[Archives] Cérémonie d’installation du Directeur du CP de Nouméa

Publié le 23 décembre 2016

Discours de Jean-jacques URVOAS, garde des Sceaux, ministre de la Justice

Cérémonie d’installation du Directeur du centre pénitentiaire de Nouméa
Cour d’honneur du centre pénitentiaire le samedi 17 décembre 2016

Discours Cérémonie dinstallation du Directeur du centre pénitentiaire de Nouméa 17.12.2016.pdf PDF - 172,01 Ko

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Seul le prononcé fait foi

Mesdames et Messieurs,

Je suis honoré d’être présent, parmi vous, aujourd’hui, à l’occasion de l’installation de votre nouveau directeur.

Chacun le sait : l’histoire de ce lieu sort de l’ordinaire.

Et l’histoire récente le montre à nouveau.

J’étais venu pour la 1ère fois dans cet établissement en juillet 2013, à l’occasion du déplacement du Premier Ministre, Jean-Marc AYRAULT.

Et j’avais alors vu la vétusté, le délabrement, des hébergements de votre centre pénitentiaire.

Les conditions étaient absolument inadmissibles.

A la maison d’arrêt, il y avait 6 détenus dans des cellules de 11 mètres carrés.

Celui qui était en haut dans les lits superposés n’avait que 50 centimètres au-dessus de la tête et ne pouvait même pas s’asseoir.

Le Contrôleur général des lieux de privation de libertés (CGLPL) avait, avec des mots durs, publié un rapport en décembre 2011, où il décrivait une situation « gravissime ».

En réponse, depuis 2012, l’action du ministère de la Justice a été extra-ordinaire, et il n’est pas usurpé d’utiliser un tel qualificatif.

Oui, aujourd’hui, beaucoup a été fait.

Dès son arrivée, à la demande de deux nouveaux députés calédoniens, Christiane TAUBIRA a confié une mission le 26 septembre 2012, à la conseillère d’Etat Mirelle IMBERT-QUARETTA, pour examiner les difficultés de prise en charge de la population pénale au centre pénitentiaire de Nouméa.

Toutes les recommandations, qui avaient été rendues le 15 novembre 2012, ont été mises en œuvre.

Je le dis bien : toutes !

1)  réaliser la restructuration d’un site pénitentiaire est un projet ambitieux.

 

A fortiori , en site occupé, 

Dans un contexte de sur-occupation,

Et sans possibilité de reporter la pression d’accueil sur un autre établissement ; le centre pénitentiaire étant le seul de Nouvelle-Calédonie.

2) Les délais étaient très contraints:

C’est un dossier  immobilier d’ampleur, qui aura été traité au cours de ce  quinquennat.

Le délai était donc très court, mais le défi a été relevé, en 23 mois (ndlr : recommandations du rapport en novembre 2012 => principaux travaux terminés en décembre 2014). 

Cela est assez rare et mérite d’être souligné.

3) La mobilisation de l’ensemble du personnel a été forte pour garantir la continuité du service public , tout en assurant la coexistence avec les chantiers en cours.

4) En tout, plus de 40 millions d’euros auront été mobilisés pour permettre :

  • D’augmenter le niveau de sécurité,

  • De reconstruire l'ensemble des bâtiments d'hébergement,

  • De réaliser une extension par la création d’un quartier orienté sur la réinsertion et la préparation des aménagements de peine (81 places – ouvert en février 2014),

  • De reconfigurer les espaces collectifs (salles activités, parloirs / Unités de vie familiale, locaux du personnel).

Le centre pénitentiaire de Nouméa dispose désormais de 402 places, essentiellement en cellule double.

Cela permet d’offrir de meilleures conditions de détention.

Par ailleurs, les opérations de sécurisation les plus importantes ont été réalisées et les bâtiments d'hébergement ont été reconstruits à 90%.

5) La nature du projet :

Il ne s’est pas agi seulement de réaliser une mise aux normes ; ce qui était déjà ambitieux.

Ce que nous souhaitions était bien d’accompagner la transformation de l’établissement autour d’un projet : celui qui consisterait à améliorer les liens familiaux et à préparer le retour dans la société.

C’est la raison pour laquelle :

  • Un quartier de préparation à la sortie a été créé,

  • Et que des conventions avec le Sénat coutumier ont été signées pour préparer à la sortie. J’y reviendrai dans quelques instants.

Aujourd’hui, le chef d’établissement M. BAUDOIN est officiellement installé, et des médailles pénitentiaires récompensent le travail quotidien de six grands professionnels.

Il ne peut en effet y avoir de service public pénitentiaire sans femmes ni hommes.

C’est pourquoi des concours de surveillants, mais également, de 1er surveillants et d’officiers ont été organisés pour permettre le recrutement de calédoniens.

Les textes sont également pris pour le recrutement de personnels techniques et de conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation.

Ainsi nous avons mis en place des centres d’examen sur tout le territoire, pour que tous ceux qui veulent s’y présenter puissent y accéder.

A Nouméa, bien sûr, mais également dans la province Nord et à Lifou.

C’est une politique en ressources humaines, particulièrement volontariste, qui se traduit notamment par :

·         Un renforcement des organigrammes,

·         La suppression du dispositif de surveillants contractuels,

·         Le recrutement de 80 fonctionnaires par voie de concours, organisés en Nouvelle Calédonie,

·         Et l’accueil de 15 nouveaux agents dans l’établissement, en service depuis le 7 novembre.

Je me réjouis de pouvoir les rencontrer aujourd’hui en poste !

Enfin, parallèlement nous conduisons des actions de formation, avec une rare intensité et avec un budget qui n’a pas cessé de croître :

·         8 500 euros en 2014, 

·         15 000 euros en 2015,

·         et  18 500 euros en 2016.

Par ailleurs, plus 7 500 euros ont été mobilisés dans du matériel de formation-sécurité, et 1000 euros supplémentaires au Service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) Nouvelle Calédonie.

Le budget 2017 demeurera a minima au niveau de celui de 2016.

En un quinquennat, nous aurons donc :

  • établi un diagnostic,

  • donné des moyens financiers,

  • et créé les conditions permettant de relever ces défis et d’avoir des résultats concrets.

Nous nous sommes impliqués dans l’ensemble des défis de la question pénitentiaire.

En effet, nous ne devons pas nous contenter de traiter les conditions de la détention ; ce ne serait que résoudre une partie infime de la question qui nous est posée.

Ce serait passer à côté de ce qu’est la mission de la prison.

Car pour avoir du sens, la prison doit être tournée vers la réinsertion.

C’est la raison pour laquelle l’administration pénitentiaire, c’est-à-dire l’Etat, a imaginé les QPS, les quartiers de préparation à la sortie.

La prison doit être un moment de réflexion pour le détenu ; un moment lui permettant de repenser son avenir, de préparer son retour dans la société, à la fois du point de vue personnel et professionnel.

Je veux d’ailleurs dire un mot des conventions coutumières qui ont été signées, parce qu’elles jouent un rôle important pour le sens de la détention et dans la réinsertion.

Il y a eu une première étape avec la signature d’une convention le 31 juillet 2015 avec le Sénat Coutumier, les 8 Conseils Coutumiers.

Cette convention a permis en 2015 et en 2016 aux sénateurs et aux membres des conseils d’Aire d’apporter une aide et un soutien aux détenus dans leurs démarches d’insertion en lien avec les valeurs communes kanak.

Ce soutien s’est traduit par des rencontres physiques, durant lesquelles les sénateurs ont pu parler avec des détenus, couter leurs doléances et rencontrer la direction de la prison engagée à travailler main dans la main avec l’institution coutumière.

Cela leur a permis de leur apporter courage et soutien.

Cette convention permet aussi des échanges de courriers entre chefs coutumiers et détenus dans une démarche de préparation à la sortie.

Les sorties sèches, sans aucune préparation, doivent à tout prix être évitées.

C’est là aussi que les services d’insertion et de probation jouent un rôle essentiel.

Et je veux saluer le travail exceptionnel que les équipes mènent quotidiennement. Et qui ont pris des initiatives intéressantes.

Prenons l’exemple du partenariat avec le conservatoire de l’igname.

Cela fait à peine 15 jours que la plantation des ignames par les détenus a eu lieu, valorisant ainsi cette part essentielle du patrimoine culturel kanak.

C’est une belle initiative des SPIP, parce que l’igname est un repère social et culturel important, qui donne, qui redonne du sens.

Elle s’inscrit donc parfaitement dans notre conception de la pénitentiaire et de la réinsertion.

Conclusion :

Mesdames et Messieurs, il fallait prendre les problèmes et les défis à bras-le-corps et c’est ce qui a été fait, dès le début du quinquennat.

L’Etat a pris et a su concrétiser des engagements forts pour cet établissement, en agissant sur  les conditions de détention et de travail des personnels.

Les partenariats locaux ont également été renforcés, et ils contribuent à donner du sens à la peine et un avenir à chacun.

Mais il faut toujours aller plus loin.

C’est pourquoi l’organigramme de référence de l’établissement sera révisé et 13 nouveaux postes seront créés, sur concours déconcentré :

·        11 postes,  pour prendre en compte les nouvelles Unités de Vie Familiale et le renfort de l’encadrement de la détention par le personnel de surveillance ;

·        2 postes, en complément des 7 existants, pour la création d’une réelle équipe locale de sécurité pénitentiaire.

Par ailleurs, pour s’assurer d’une évolution favorable des pratiques professionnelles au centre pénitentiaire de Nouméa, un dispositif d’audit interne, s’appuyant sur les formateurs de l’établissement, sera mis en place.

Ce que je suis venu vous dire aujourd’hui, c’est que nous vous soutenons et que nous aurons besoin de chacun d’entre vous pour que ce centre pénitentiaire réussisse sa mission.

Je vous remercie de votre attention.

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