[Archives] 123ème congrès des greffiers des tribunaux de commerce à Nice

Publié le 06 octobre 2011

Discours de Michel Mercier, garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Libertés

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7 minutes

Monsieur le président (Didier OUDENOT),

Monsieur le ministre (Christian ESTROSI),

Mesdames et Messieurs les hauts magistrats,

Monsieur le président de la conférence nationale des juges consulaires (Jean-Bertrand DRUMMEN)

Mesdames et Messieurs,

Je vous remercie de m’avoir convié parmi vous aujourd’hui pour clôturer votre 123ème congrès. Il s’agit toujours d’un moment important dans la vie d’une profession, et pour moi c’est l’occasion de saluer la qualité du travail accompli par les greffiers des tribunaux de commerce, ainsi que leur capacité d’adaptation face à l’évolution rapide du droit et du monde de l’entreprise.

Ces évolutions, nous les avons conduites ensemble, ces derniers mois, dans un esprit constructif, à la recherche du meilleur équilibre entre modernisation et respect du statut de votre profession. J’ai pu apprécier, Monsieur le président, votre esprit d’innovation et de proposition, et soyez assuré que j’examinerai avec la plus grande attention les préconisations du livre blanc que vous me remettez à l’instant. 

A la fois membres incontournables des tribunaux de commerce et officiers publics et ministériels, vous êtes chargés d'une mission de service public qui s'exerce au cœur même de l'activité économique (I). C’est d’ailleurs cette mission de service public qui justifie votre statut et il m’appartient de chercher, avec vous, à toujours l’améliorer (II).

I. - Si les greffiers des tribunaux de commerce assurent une mission de service public pour la justice commerciale au nom de l’État français, je n’oublie pas que ce service est destiné aux justiciables et aux entreprises de France et d’Europe.

Pour beaucoup d’entrepreneurs, vous êtes un interlocuteur d’importance en raison de la diversité de vos missions (A) mais aussi de la qualité des services que vous rendez (B).

A – Parmi vos missions diverses, vous accompagnez nos concitoyens dans l’accomplissement des formalités des entreprises : dès la création de sa société, le chef d’entreprise peut s’adresser à vous en votre qualité de CFE (Centre de formalités des entreprises). Cette mission devrait d’ailleurs connaître prochainement des extensions avec le transfert des activités des services fiscaux en ce domaine.

 

Soucieux de favoriser le développement des activités économiques, c’est également à ce titre que vous participez très activement à la mise en œuvre du Guichet Unique ou « Guichet Entreprises ». Ce projet, cher au Gouvernement, permet depuis le 24 février dernier de mettre à la disposition des créateurs d'entreprises et des entrepreneurs, sur internet, toutes les informations nécessaires pour mener à bien les démarches administratives. Il convient de noter que le premier président de ce groupement d’intérêt public est un greffier de tribunal de commerce, ancien président du Conseil national , Monsieur Michel Jalenques. Ce choix atteste là encore la reconnaissance de l’Etat pour l’implication et l’efficacité de votre profession.

La tenue du registre du commerce et des sociétés vous place aussi sur le chemin des entreprises tout au long de leur vie. En effet, la publicité légale est un instrument essentiel à la bonne marche de l’économie. L’authenticité que vous garantissez aux inscriptions des registres et la fiabilité de données complètes et actualisées, que vous contrôlez en permanence, assurent la sécurité juridique des échanges entre les entreprises.

Afin de contribuer à assurer un exercice harmonisé de vos missions de teneurs de registre, j’ai le plaisir de vous annoncer que le comité de coordination des registres du commerce et des sociétés sera à nouveau constitué et réuni d’ici la fin de l’année. 

Enfin, vous êtes aujourd’hui, auprès des juges consulaires, des collaborateurs indispensables à la bonne administration de notre justice commerciale. V ous participez en effet à la prévention des difficultés des entreprises. Les relations de confiance instaurées entre les présidents des tribunaux de commerce et leurs greffiers ont en effet permis la mise en œuvre de systèmes de détection des difficultés efficaces grâce à l’obtention d’indices fournis par le registre du commerce et des sociétés.

Par ailleurs, afin de contribuer à l’effectivité du plan de formation des juges consulaires développé par l’Ecole nationale de la magistrature, vous nous avez proposé de constituer un répertoire national des juges des tribunaux de commerce. Sachez, qu’une telle initiative - soutenue par la Conférence nationale des juges consulaires - recueille mon plein accord. Je vous invite donc à vous rapprocher de mes services pour en déterminer les modalités techniques.

Très récemment encore, votre savoir-faire a conduit les pouvoirs publics à vous confier la tenue du fichier des interdits de gérer dont la création est en cours d’examen à l’Assemblée nationale dans la proposition de loi de Monsieur Warsmann. Je ne doute pas que ce nouvel outil permettra un contrôle plus complet des demandes d’immatriculations et facilitera la lutte contre les fraudes.

 

B – Outre la qualité du service que vous rendez à nos concitoyens avec INFOGREFFE, votre profession s’est engagée plus avant dans la voie de la dématérialisation, tant au sein du tribunal de commerce que dans ses échanges avec les avocats ou les administrateurs et mandataires judiciaires.

J’ai bien entendu votre interrogation, Monsieur le président, sur la poursuite de la dématérialisation des échanges avec le parquet dans le cadre des procédures collectives. Je souhaite vous annoncer que je suis tout à fait favorable à ce qu’une expérimentation soit lancée pour moderniser les échanges entre les parquets commerciaux et les greffes commerciaux. 

Le tribunal de commerce de Nanterre avait fait part de son intérêt pour un tel projet. Je tiens également à vous indiquer que les juridictions de Bobigny et, je pense que vous n’y serez pas indifférents, de Strasbourg se sont portées volontaires pour participer à cette expérimentation. J’ai donc demandé au Secrétaire général, en coordination avec la Directrice des services judiciaires et le Directeur des affaires civiles et du sceau, de prendre les mesures nécessaires pour mettre en œuvre un tel projet. C’est à l’issue que nous pourrons apprécier dans quelle mesure un tel dispositif a vocation à être généralisé sur l’ensemble du territoire national.

Votre capacité d’innovation s’exprime également au niveau européen . Vous avez, en effet, établi des ponts avec vos homologues italiens d’INFOCAMERE pour promouvoir les échanges entre registres européens.

A l’heure où la Commission européenne a présenté un projet d’interconnexion des registres des sociétés des Etats membres, cette alliance constitue un atout. En effet, à l’occasion des négociations à Bruxelles, il est apparu à quel point vous étiez en avance par rapport à la plupart de vos confrères des autres Etats membres. Soyez assurés que je veillerai à ce que ces négociations n’aboutissent pas à un retour en arrière pour vous.

II. – Les différentes missions que je viens de rappeler s'inscrivent dans le cadre d'un statut particulier. Car si vous bénéficiez d'un champ d'intervention et d'activités réservés, au service des entreprises et de la justice commerciale, vous êtes en contrepartie tenus d'assurer la continuité du service public et soumis à de nombreuses obligations déontologiques ainsi qu'à une discipline professionnelle stricte.

Sur un plan général, un impératif de dignité s'impose à vous tant dans votre vie professionnelle que personnelle. Il en découle notamment l'obligation de respecter les règles de la confraternité et l'incompatibilité de certaines activités.

L'exigence de neutralité est par ailleurs essentielle à votre qualité d'officier public et ministériel. Dans l'exercice de votre mission vous êtes également tenus au secret professionnel et au respect d'un devoir de loyauté tant à l'égard du tribunal que du parquet.

Il n'existait pas, jusqu'à présent, de code de déontologie propre à votre profession.

La loi du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires et juridiques a comblé ce vide en confiant au Conseil national la mission d’établir un règlement des usages de la profession à l'échelon national. Je sais que le Conseil national a, hier, adopté un projet de règlement qui sera très prochainement soumis à mon approbation. Ce recueil ne peut que contribuer à améliorer le service rendu aux usagers et aux justiciables.

Par ailleurs, d’autres dispositions ont été très récemment adoptées pour dynamiser votre profession :

            - tout d'abord, en prévoyant un nouveau mode d'exercice en qualité de greffier salarié, selon la règle d’un greffier salarié par greffier titulaire d'office ou associé : l’objectif de cette mesure est ainsi de favoriser la promotion interne des salariés des greffes. Le décret d’application va être publié dans les tout prochains jours. Monsieur le président, vous serez appelé à jouer un rôle essentiel dans ce dispositif en qualité de médiateur dans les litiges entre employeurs et salariés.

            - ensuite, nous avons souhaité vous permettre de constituer, dans certaines conditions, des sociétés de capitaux pluri-professionnelles. Le développement d'une véritable interprofessionnalité capitalistique , préconisée par la commission présidée par Me Darrois, permettra, par le développement de liens pérennes entre structures d’exercice de professions différentes, de rendre un meilleur service aux usagers du droit.

            - vous serez soumis à une obligation de formation continue, à laquelle je vous sais particulièrement attachés et attentifs : assurer aux greffiers et à leurs collaborateurs un haut niveau de qualification et de compétence, leur donner les moyens d'actualiser leurs connaissances constitue une garantie essentielle à la qualité des prestations rendues. Le décret d’application publié hier au Journal officiel en précise les modalités, et notamment sa durée qui a été fixée à 20 heures par an.

            - enfin, le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce pourra se constituer partie civile dans les affaires pénales relatives à des faits de nature à porter directement ou indirectement préjudice aux intérêts de la profession.

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La France dispose d’un modèle dynamique de justice commerciale et d’une information légale sur les entreprises complète et fiable ; votre professionnalisme et votre souci constant d’évolution contribuent à la qualité de ce modèle. Ce modèle a su évoluer avec son temps et je me réjouis du travail de réflexion que nous conduisons ensemble, car améliorer la justice consulaire est une garantie de vitalité pour nos entreprises et de maintien de notre tissu économique.

Je vous remercie.