[Archives] Etats généraux du notariat

Publié le 28 janvier 2010

Discours de Mme Alliot-Marie, ministre d'Etat, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés

Temps de lecture :

7 minutes

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Les Français savent ce qu’ils doivent à leurs notaires.

A toutes les étapes importantes de leur vie – naissance, mariage, achat d’une maison, décès d’un proche –, ils ont recours à leurs services et à leurs conseils.

A l’heure où la crise économique accentue les demandes de droit, d’Etat et de régulation, ils savent pouvoir compter sur ces juristes de proximité, à leur écoute, fidèles aux valeurs du service public qu’ils incarnent sur tout le territoire.

A une époque où le droit se complexifie aussi vite que la société, où la règle de droit est mouvante, internationalisée, européanisée, les citoyens, les entreprises, les collectivités comptent sur la sécurité juridique des actes notariés.

Proximité, sécurité juridique, accessibilité du droit : les atouts du notariat contribuent à la sérénité de notre justice et la confiance des justiciables.

Cette confiance vous honore.

Cette confiance nous oblige.

- Elle nous oblige à préserver un modèle de droit continental dont vous êtes l’un des piliers.

Un modèle dont la résistance face à crise a une nouvelle fois montré la pertinence, malgré les tentations parfois exprimées de se ranger aux normes du droit anglo-saxon.

Un modèle dont vous contribuez à assurer le rayonnement, et, à travers lui, celui de la France dans le monde.

Un modèle que rien ni personne ne remettra en cause tant que j’exercerai les fonctions qui sont les miennes.

- Cette confiance nous oblige aussi à donner aux notaires les moyens de leur propre modernisation.

Comme toutes les professionnels du droit, les notaires doivent moderniser leur approche, s’adapter, se remettre en question.

Cette modernisation est possible. Les notaires ont démontré leurs formidables capacités d’adaptation.

Elle est nécessaire.

Ma responsabilité de Garde des Sceaux est de préserver l’identité et la spécificité du notariat.

Elle est aussi de lui donner les moyens de valoriser ses atouts face aux enjeux de la modernité.

Préserver l’identité du notariat.

Les notaires exercent une mission fondamentale au sein de notre société. Ils jouent un rôle incontournable au sein des professions du droit.

Il faut en tirer les conséquences.

Cela implique, bien sûr, de défendre les intérêts du notariat quand ils sont menacés.

Cela a pu être le cas devant les instances européennes.

- Vous avez été soutenus hier dans la négociation de la directive relative aux services dans le marché intérieur.

- Vous l’êtes aujourd’hui dans le contentieux ouvert devant la Cour de Luxembourg sur la condition de nationalité.

- Vous le serez demain dans votre action déterminée pour la promotion de l’acte authentique européen.

Préserver l’identité du notariat implique surtout de promouvoir le dialogue entre les professions.

Tous les professionnels du droit contribuent ensemble à l’œuvre de justice.

Je veux qu’ils soient unis et non opposés dans cette mission.

Je ne crois pas à l’affrontement bloc contre bloc.

Vous évoquez le rapport DARROIS.

Un rapport n’est qu’un rapport.

Je n’ai nullement l’intention de fusionner les professions, en gommant toute différence entre juristes, au profit d’une illusoire profession unique du droit.

Mon ambition est de favoriser une véritable communauté de juristes.

- Elle est de renforcer la lisibilité des professions du droit pour les citoyens, les entreprises et les collectivités.

- Elle est de développer de nouvelles façons de travailler en commun, dans le respect de l’identité de chacun.

La diversité des professions du droit est une chance, dès lors que chacun fait l’effort de s’ouvrir à l’autre, dans le respect de ses différences, dans le respect de ses spécificités.

- C’est dans cet esprit que nous avons travaillé sur le projet d’acte contresigné par un avocat.

Dès mon arrivée au ministère de la Justice, j’ai entendu les inquiétudes exprimées par les notaires.

C’est pourquoi j’ai souhaité le rapprochement des points de vue entre le Président du Conseil Supérieur du Notariat et le Président du Conseil National des Barreaux.

L’accord aboutira à un projet de loi équilibré.

Un nouveau droit est ouvert à nos concitoyens. Pour autant, chacun reste dans son rôle.

Notaires et avocats ont un statut différent, leurs actes ont donc un statut différent.

Seule l’authentification donne à un acte la même force exécutoire qu’un jugement.

Seule l’authentification lui donne une telle force probante qu’il ne peut être contesté que par l’inscription de faux.

Les avocats contresignent. Les notaires authentifient. La règle est claire. Elle ne souffrira aucune exception.

- C’est dans ce même esprit que j’entends réfléchir avec vous au rapprochement des professions du droit.

La solidarité des professions du droit peut s’exprimer sur le plan financier.

Je souhaite ouvrir le capital des sociétés de notaires aux autres professions du droit.

L’interprofessionnalité peut aussi se traduire par des formations communes à l’ensemble des juristes.

Encore faut-il s’entendre sur les modalités de ce rapprochement.

Avec Valérie Pécresse, j’ai confié sur ce sujet une mission au Conseil national du droit, présidé par le Professeur Bernard Teyssié.

J’attends ses conclusions pour le 1er mars prochain.

Mesdames et Messieurs,

Préserver l’identité de la profession est une nécessité. Préparer l’avenir de la profession est une ardente exigence.

C’est pourquoi je veux donner aux notaires les moyens de faire valoir leurs atouts.

Pour exercer ses missions plus que jamais essentielles, la profession doit adapter ses pratiques et s’ouvrir à l’international.

Je veux conforter les notaires dans leurs missions.

Le rôle essentiel des notaires sera réaffirmé dans le projet de loi créant l’acte contresigné par un avocat.

- En matière immobilière, seul un acte authentique peut donner lieu à publicité foncière.

Cette exigence sera inscrite noir sur blanc dans le code civil.

- En matière familiale, une présence renforcée des notaires simplifiera les démarches du justiciable.

Je pense au mariage.

Aujourd’hui, si lors de la constitution du dossier de mariage, l’un des époux ne peut pas produire un acte de naissance, il peut demander au juge d’instance que soit délivré un acte de notoriété.

Je souhaite qu’il revienne au notaire d’établir un tel acte.

Les actes de notoriété constituant la preuve de la qualité d’héritier relèvent déjà de la compétence des notaires. Les actes de notoriété établis en cas de mariage leur reviennent donc naturellement.

Je pense aussi au PACS.

Aujourd’hui, lorsque les partenaires décident de passer par un notaire pour rédiger la convention organisant leur vie commune, la double intervention du greffier et du notaire peut être une source de lenteur, de complexité et de coûts.

Une fois les conventions rédigées par les notaires, je souhaite que ceux-ci puissent effectuer directement les formalités d’enregistrement en lieu et place du greffier en chef.

Je veux moderniser l’exercice de la profession

- Pour cela, il faut développer les nouvelles technologies. C’est un gain d’efficacité et de performance au service des justiciables.

Depuis 10 ans, beaucoup a été fait.

La signature électronique se développe. Des actes notariés sont établis à distance. Des actes authentiques sont établis sur support électronique, avec la même valeur juridique que des actes établis sur support papier.

Avec vous, je veux étudier les voies et moyens de poursuivre l’effort engagé.

- Il faut moderniser les structures professionnelles

Je veux garantir la pérennité des sociétés civiles professionnelles.

Je prendrai deux exemples.

Le régime de la dénomination des sociétés civiles professionnelles est aujourd’hui inadapté.

La visibilité d’une société civile tient largement à son nom, qui est souvent celui d’un associé.

Quand cet associé disparaît, faut-il que le nom de la société disparaisse avec lui ? Je ne le crois pas.

C’est pourquoi je souhaite une plus grande liberté dans l’adoption du nom de la société, en supprimant les limites actuelles dans la transmission du nom des associés.

Autre exemple : le régime de responsabilité des associés.

La responsabilité solidaire des associés n’est pas adaptée au développement économique des professions libérales.

Il n’est pas cohérent que les défaillances des uns rejaillissent sur la situation de tous les autres.

C’est pourquoi je souhaite mettre en place un mécanisme de responsabilité conjointe : les associés répondent des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social.

Je veux développer l’ouverture internationale de la profession.

Le temps d’un notariat replié sur l’hexagone est révolu. Je salue les efforts engagés par la profession.

Face à la mobilité croissante des personnes et des biens, il faut aller encore plus loin. Sachons utiliser tous les outils de l’ouverture internationale.

Le futur régime matrimonial franco-allemand sera intégré de la même façon dans notre droit et dans le droit allemand. Je sais que vous saurez vous l’approprier.

Le réseau judiciaire européen en matière civile favorise la mutualisation des connaissances et des pratiques. Je sais que vous y participerez activement.

Des actes authentiques pourront bientôt être établis à l’étranger, dans les consulats, avec la possibilité pour les notaires d’être nommés consuls honoraires. Je sais que vous la mettrez à profit.

Un projet d’acte authentique européen accorde à tout acte authentique établi dans un Etat membre la valeur qu’accorde à son contenu l’Etat dont il émane. Je sais que vous vous mobiliserez pour faire avancer ce projet, avec mon soutien.

Mesdames et Messieurs,

Le notariat est une profession moderne, dynamique, ouverte sur le monde.

Valorisons ces atouts. Faisons-les connaître. Faisons les prospérer.

Ne perdons pas notre temps dans les querelles d’un autre âge.

Je veux construire avec vous l’avenir du notariat. Car cet avenir ce construit aujourd’hui.

Il se construit avec votre savoir-faire, le dévouement et le professionnalisme des notaires de France.

Il se construit avec votre imagination, votre audace et votre talent.

Il se construit avec votre passion du droit, votre sens de l’intérêt général et votre amour de la France.

Je vous remercie.