[Archives] Centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis

Publié le 27 octobre 2008

Discours de Madame Rachida Dati, garde des Sceaux, ministre de la Justice

La prison de Fleury-Mérogis est l’un des grands symboles de notre système pénitentiaire. C’est pour cela que dès mon arrivée à la tête du ministère de la Justice, j’ai voulu me rendre dans la plus grande prison d’Europe.

 

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Monsieur le Préfet,

Messieurs les Parlementaires,

Monsieur le Maire,

Monsieur le Premier Président,

Monsieur le Procureur Général,

Messieurs les Directeurs,

Mesdames et Messieurs les élus,

Mesdames et Messieurs,

La prison de Fleury-Mérogis est l’un des grands symboles de notre système pénitentiaire. C’est pour cela que dès mon arrivée à la tête du ministère de la Justice, j’ai voulu me rendre dans la plus grande prison d’Europe.

Pendant longtemps, le centre pénitentiaire de Fleury a été le symbole d’une justice moderne, innovante, humaine. A son ouverture en 1968, l’établissement a accueilli de nombreux détenus en provenance de la prison de la Santé. Ils quittaient un établissement vétuste et inadapté pour s’installer dans des quartiers neufs et fonctionnels.

Puis, le temps a passé. La prison de Fleury a vieilli. Les conditions de travail se sont peu à peu dégradées, les conditions de détention également.

Au 1er octobre 2008, plus de 3 800 personnes étaient incarcérées à Fleury, pour une capacité de 2 855 places. Ici, comme dans d’autres maisons d’arrêt françaises, la surpopulation carcérale est devenue une réalité.

Si je suis venue aujourd’hui à Fleury, c’est bien sûr pour inaugurer le nouveau bâtiment D2 qui vient d’être rénové. Je tiens à féliciter l’ensemble des acteurs de ce projet : l’architecte, la maîtrise d’ouvrage, les différentes entreprises qui sont intervenues sur le chantier, l’ensemble des corps de métier, les personnels de l’Agence publique pour l’immobilier de la Justice … Vous pouvez être fiers du travail accompli.

Mais la construction n’est pas tout. L’immobilier est une condition nécessaire mais pas suffisante de la rénovation du service public pénitentiaire. L’objectif du directeur de Fleury, Paul Louchouarn, c’est de faire de cet établissement, un établissement pilote dans la mise en œuvre des règles pénitentiaires européennes. En 2009, Fleury engagera une action de labellisation qualité sur des fonctions aussi essentielles que l’accueil des détenus arrivants, la pluridisciplinarité ou le parcours d’exécution des peines.

Si je suis venue aujourd’hui à Fleury, c’est aussi pour m’adresser à l’ensemble des personnels pénitentiaires. Je veux leur dire publiquement qu’ils font un travail remarquable. Ce n’est pas facile de gérer un bâtiment de détention quand les détenus sont de plus en plus violents et de plus en plus fragiles psychologiquement. Je comprends les inquiétudes exprimées par les personnels de l’administration pénitentiaire qui ont à affronter des drames humains en détention. Je veux les assurer de mon soutien et dire que je prends des mesures en leur faveur. Mercredi 22 octobre, j’ai reçu les syndicats de surveillants. Je les reverrai pour installer officiellement les groupes de travail sur les conditions de travail, le 18 novembre.

D’ores et déjà, nous avons décidé :

  • de renforcer l’action sociale en faveur des personnels par la création d’un bureau d’action sociale pour les personnels pénitentiaire,
  • de lancer un audit sur les postes et les besoins des établissements.

Je veux aussi saluer l’action déterminante des équipes de direction, les directeurs, les officiers, les premiers surveillants. C’est sur vous que repose la responsabilité du fonctionnement des détentions. Je mesure ce que représente cette charge, cette tension. Il est de ma responsabilité de vous donner les meilleures conditions pour exercer votre mission.

Une Justice qui fonctionne bien, c’est une justice qui protège, c’est une justice qui sanctionne, c’est une justice qui est au service des Français.

C’est le sens de la réforme de la Justice que nous conduisons maintenant depuis plus de dix-sept mois.

L’Administration pénitentiaire protège notre société contre les délinquants dangereux. Elle veille aussi à ce que la détention s’effectue dans des conditions dignes et humaines.

L’Administration pénitentiaire s’assure que les sanctions prononcées par les juridictions sont exécutées.

L’Administration pénitentiaire, parce qu’elle est un service public, est au service des Français.

Vous le voyez, la mission de l’administration pénitentiaire est une mission exigeante et fondamentale pour notre Justice.

C’est pour cela que je veux améliorer les conditions de travail et les conditions de détention. Elles restent encore difficiles, mais grâce à nos efforts, elles vont s’améliorer de façon significative dans les prochaines années. Nous allons vers des jours meilleurs.

Le nouveau bâtiment D2 en est la preuve. Par cette rénovation, nous avons voulu moderniser l’outil de travail pénitentiaire et améliorer les conditions de vie des détenus.

Les personnels pénitentiaires doivent exercer leur mission dans les meilleures conditions possibles.

Cela concerne tout d’abord leur sécurité.

C’est une question essentielle avec laquelle  on ne peut pas transiger. Parce que la prison est un lieu où vivent des personnes dangereuses, des personnes atteintes de troubles psychologiques, nous devons offrir une protection maximale aux surveillants. Nous devons aussi veiller à la sécurité de tous ceux qui interviennent en détention. La prise d’otage d’un psychologue au mois de septembre a montré que tous les intervenants étaient exposés. Je veux que tout le monde soit protégé et travaille en confiance.

Le bâtiment D2 propose des avancées en matière de sécurité :

  • la création d’un poste central de surveillance avec vue à 360 degrés ;
  • des ronds-points de surveillance équipés de moyens modernes : caméras, report des alarmes, interphones avec les cellules ;
  • la création d’une zone de sécurité à l’extérieur des enceintes ;
  • la création de circuits d’intervention ;
  • une meilleure gestion des systèmes d’alarme.

Un surveillant peut accomplir sa mission en toute sérénité car il sait qu’il est protégé. Les personnels que je rencontre me disent que ces dispositifs ont changé leur façon de travailler. Ils se sentent moins stressés, moins vulnérables. Ils vivent mieux, tout simplement.

 

Les travaux de rénovation ont également permis d’améliorer leur cadre de travail.

 

Dans un métier aussi contraignant, il faut pouvoir décompresser, prendre un peu de temps pour soi. Bien souvent, les personnels ne disposent d’aucune intimité. Les locaux de travail et de repos sont vétustes, exposés à la vue des détenus….

Les aménagements du bâtiment D2 vont changer la vie des personnels :

  • des chambres de veille ont été rénovées ;
  • les vestiaires hommes/femmes sont désormais séparés. C’est une mesure élémentaire ;
  • des bureaux de surveillants ont été aménagés ;
  • les locaux médicaux ont été refaits à neuf.

Ce sont des améliorations concrètes. Je sais qu’elles sont très importantes pour tous ceux qui passent des journées, des nuits, des week-ends sur leur lieu de travail.

 

Ces progrès faciliteront aussi l’intervention des personnels de santé, des associations, des entreprises. Ces partenaires accomplissent ici à Fleury un travail remarquable. Je veux saluer leur engagement.

Ces améliorations s’inscrivent dans la politique générale en faveur des personnels de l’administration pénitentiaire. Il ne suffit pas de dire que l’on a du respect pour les surveillants. Il faut le montrer par des actions concrètes. C’est ce que j’ai fait depuis mon arrivée place Vendôme : 1.100 emplois créés en 2008 et 1.087 en 2009, le régime indemnitaire des surveillants a été revalorisé, la sécurité a été renforcée avec le plan de lutte contre les évasions par hélicoptère ….

 

La loi pénitentiaire contribuera à mettre en valeur le métier de surveillant avec notamment la création d’un code de déontologie.

 

Améliorer les conditions de travail des personnels, c’est aussi améliorer les conditions de vie des détenus.

 

Tout le monde sait que la précarité, que la surpopulation est source de tension et de malaise chez les détenus.

 

Tout le monde sait aussi qu’une démocratie comme la nôtre doit garantir des conditions de détention dignes et décentes. C’est pour cela que j’ai souhaité, dès ma prise de fonction, la création du contrôleur général des lieux de privation de liberté. Il était attendu depuis vingt ans. Il est aujourd’hui incarné par une autorité incontestée et incontestable.

 

Le bâtiment D2 est l’image d’une détention moderne, soucieuse de la vie des détenus. C’est ce que doit être la prison du XXIe siècle.

L’intimité et la dignité des détenus sont mieux prise en compte.  

  • les cellules sont modernes : avec un coin sanitaire séparé, une douche, des WC. C’est un progrès considérable pour les détenus. Ces aménagements sont en conformité avec les règles pénitentiaires européennes.
  • Les détenus handicapés seront pris en charge : quatre cellules sont affectées aux personnes à mobilité réduite. Elles sont deux fois plus grandes et équipées de mobilier adapté.
  • Les quartiers disciplinaires sont rénovés et disposent d’un WC Lavabo, d’un interphone et de cours individuelles de promenade.

L’objectif de réinsertion des détenus est privilégié .

C’est l’une des missions essentielles confiées à l’administration pénitentiaire.

Lutter contre la récidive, c’est faire preuve de fermeté vis-à-vis des délinquants. C’est aussi faciliter la réinsertion des personnes détenues.

La tripale D2 est un exemple de ce que l’on peut faire aujourd’hui :

  • le lien avec les familles est maintenu grâce à des locaux spécialement aménagés : parloirs agrandis, facilités d’accès pour les personnes handicapées, trois maisons d’accueil pour les familles ont déjà été construites….
  • l’accès à la formation et à la culture est encouragé : création de salles de classe et de formation professionnelle, d’une bibliothèque, d’une médiathèque, d’ateliers de production….

C’est cette nouvelle philosophie de la détention que va développer la future loi pénitentiaire en reconnaissant davantage de droits aux détenus et en les incitant à s’engager davantage dans une démarche de réinsertion.

Le coût de la rénovation complète de la maison d’arrêt de Fleury s’élève à 400 millions d’euros. Au terme des travaux en 2014, l’établissement disposera de 369 places supplémentaires.

En construisant de nouvelles places de prison, nous répondons avec réalisme au problème de surpopulation. En 2008, 2 800 places sont créées avec la livraison :

  • du centre de détention de Roanne ;
  • de la maison d’arrêt de Lyon-Corbas ;
  • du centre pénitentiaire de Mont de Marsan que je vais inaugurer en novembre ;
  • du centre pénitentiaire de La Réunion ;
  • et des trois établissements pénitentiaires pour mineurs d’Orvault, Porcheville et Meaux-Chauconin.

Sept établissements pénitentiaires et deux quartiers pour courtes peines ouvriront en 2009. Celui de Fleury-Mérogis ouvrira en janvier 2010. Ce dispositif pourra accueillir 120 primo-délinquants condamnés à des peines inférieures ou égales à un an. Il permettra de mettre en œuvre des programmes de réinsertion individualisés.

Vous le voyez, nous augmentons le nombre de places de détention. C’est une nécessité. Le programme 13 200 s’arrêtera en 2012. Nous disposerons alors de 63 000 places.

*

Il faut également s’occuper des établissements pénitentiaires les plus anciens. Ils sont vétustes et n’offrent pas de bonnes conditions de détention.

Je veux aussi aujourd’hui vous annoncer une nouvelle étape. Je tenais à le faire ici, à Fleury-Mérogis, devant des élus, des magistrats, les personnels de l’administration pénitentiaire, le monde associatif.

Le programme immobilier actuel, que nous respectons, s’achèvera en 2012. Il nous faut dès à présent préparer l’étape suivante. Il ne s’agira plus d’augmenter le nombre de places de détention, mais de remplacer les établissements les plus vétustes par des établissements neufs.

Je souhaite que nous travaillions ensemble à la définition de ce nouveau programme immobilier. Tous les partenaires du monde pénitentiaire, du monde judiciaire et les élus seront associés à ce projet.

*

Mesdames et Messieurs,

 

Vous le voyez aujourd’hui avec cette inauguration, notre système pénitentiaire est en pleine transformation. Il s’adapte aux exigences européennes, aux attentes de notre société, aux besoins des personnels.

Hier, ces changements étaient espérés.

Aujourd’hui, ils sont mis en œuvre.

Demain, la prison sera transformée. On ne parlera plus de l’univers pénitentiaire à travers ses drames et la surpopulation carcérale. On parlera de nos prisons comme exemple d’humanité et de respect.

Ce n’est pas un rêve. C’est l’objectif que nous nous fixons. Nous l’atteindrons ensemble.

Je vous remercie.