[Archives] Remise des insignes de chevalier de la Légion d’honneur

Publié le 10 octobre 2006

Discours de Pascal Clément lors de la remise des insignes à Messieurs Stefano Mogini & Manuel García-Castellón

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Messieurs les Ambassadeurs, (MM Ludovico Ortona & Francisco Villar)
Madame et Messieurs les Procureurs Généraux,(Ceccaldi, Bot, Le Mesle, de Baynast)
Monsieur le Secrétaire Général,
Monsieur l’Inspecteur Général,
Messieurs les Directeurs et Chef de Service,(MM Bernard de la Gatinais, Guillaume, Huet, Sturlèse)
Mesdames et Messieurs les Magistrats,
Mesdames et Messieurs,

C’est un réel plaisir pour moi de vous accueillir dans cette magnifique salle de l’hôtel de Bourvallais pour rendre hommage à quatre magistrats de liaison : Messieurs Stefano Mogini et Manuel García-Castellón, magistrats italien et espagnol en France, auxquels je vais remettre les insignes de la Légion d’honneur, ainsi que Messieurs Emmanuel Barbe et Frédéric Baab, magistrats français en Italie et en Allemagne, récemment nommés chevaliers dans l’ordre national du Mérite.

A un moment de l’histoire de nos relations internationales où le droit et la justice occupent une place toujours plus importante et où la criminalité se joue des frontières, je voudrais souligner combien les magistrats de liaison - dont la création remonte, je le rappelle, à 1993 - représentent un maillon indispensable de la coopération juridique européenne.

Les magistrats de liaison ont su très vite s’imposer, bien sûr par la qualité de leur travail et par leur dévouement exemplaire, mais plus encore par leur capacité à être efficaces à tous les niveaux où ils peuvent être appelés à intervenir.

Aujourd’hui, treize magistrats de liaison français sont installés à l’étranger, en Europe, en Asie, en Amérique du Nord et au Maghreb.

Huit pays étrangers, dont l’Italie et l’Espagne à l’honneur ce soir, ont choisi la réciprocité en déléguant des magistrats à Paris. J’y vois le signe très clair d’une volonté de coopération privilégiée, notamment dans le domaine toujours sensible de l’entraide pénale.
Comme vous le savez, quatre missions sont plus particulièrement assignées aux magistrats de liaison. Outre les dossiers d’entraide civile et pénale qu’ils ont à traiter, les magistrats de liaison sont chargés de recueillir les informations nécessaires à la préparation et au bon déroulement des négociations bilatérales et multilatérales.

Ils contribuent, également, à une meilleure connaissance du droit positif, de la pratique juridique et de l’organisation judiciaire du pays d’accueil. Enfin, ils concourent à la promotion des échanges et de la coopération juridique.

La présence ce soir de hautes personnalités étrangères parmi lesquelles je tiens à saluer tout particulièrement l’ambassadeur d’Italie en France, son excellence Monsieur Ludovico Ortona et, l’ambassadeur d’Espagne en France, son excellence Monsieur Francisco Villar, qui nous font l’honneur d’être des nôtres, me donne l’occasion de me féliciter de la qualité des relations qui se sont instaurées dans le cadre de la coopération judiciaire.

Les nombreux magistrats et fonctionnaires présents ce soir me confortent dans l’idée que je me fais de la nature chaleureuse de ces liens.

Je tiens, enfin, à souhaiter la bienvenue aux membres de vos familles respectives et à vos amis venus vous entourer au moment solennel où je vais vous remettre une distinction honorifique décernée par la République française.

Certes, tous les magistrats de liaison figurent parmi les personnes qui contribuent le plus à faire progresser au quotidien le traitement des affaires de justice les plus sensibles comme celles concernant le terrorisme ou la criminalité organisée.

Mais, ce sont vos compétences professionnelles et vos qualités personnelles qui m’ont conduit, Messieurs, à solliciter un témoignage de reconnaissance auprès de Monsieur le Président de la République. Certes, vous êtes, tous les quatre, d’excellents juristes mais vous avez, surtout, de remarquables capacités d’adaptation, une grande agilité intellectuelle et une vive intelligence des situations qui méritaient d’être reconnues officiellement.

Je commence par vous, Monsieur Stefano Mogini, magistrat de liaison italien, car vous êtes le doyen des magistrats de liaison étrangers en France.

Après de brillantes études de droit à l’université de Pérouse, votre ville natale, vous devenez avocat et votre première expérience professionnelle vous amène à diriger le service juridique d’un important établissement bancaire.

Mais très rapidement vous réorientez votre carrière en passant le concours national de la magistrature. Sorti major de votre promotion en 1985, vous êtes nommé juge à Foligno, puis juge des enquêtes préliminaires à Pérouse.

En plus de vos fonctions juridictionnelles, vous êtes chargé de l’élaboration des programmes de formation initiale et de formation continue des magistrats au Comité scientifique du Conseil supérieur de la magistrature.

Vous faites aussi partie de la délégation italienne lors des nombreuses négociations internationales concernant la lutte contre le terrorisme que ce soit dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies ou des G7.

Vous apportez, également, votre concours aux travaux de l’Union européenne et à ceux de la Cour pénale internationale sur le crime organisé.

C’est ainsi que vous êtes appelé au cabinet du ministre de la Justice de la République italienne pour diriger le service de coordination des affaires européennes et internationales.

Fort de cette expérience ainsi que des formations enrichissantes que vous avez suivies à l’ENM, au parquet de Paris et ici même à la chancellerie dès 1992, vous êtes nommé magistrat de liaison à Paris en avril 1999.

Je me suis laissé dire que cette affectation vous a réjoui car un profond attachement vous lie à la France dont votre mère est originaire.

Depuis votre nomination, le volume des commissions rogatoires que vous avez eu à traiter, n’a cessé d’augmenter et leur objet de se diversifier. Les dossiers d’extradition que vous avez eu à suivre, ont été également en constante augmentation. Ces affaires pénales souvent liées au terrorisme et à la criminalité organisée et dont certaines ont été largement médiatisées, exigent beaucoup de rigueur et de réactivité ainsi qu’une disponibilité sans faille.

Je tiens à saluer tout particulièrement vos efforts constants en faveur de la construction d’un espace judiciaire européen. Dynamique et novateur, vous prônez très tôt l’usage de la visioconférence entre l’Italie et la France.

Vous mettez aussi en œuvre des mesures concrètes qui seront reprises par les textes européens et étendues à l’ensemble des pays de l’Union comme les mesures patrimoniales anti-mafia.

Juriste distingué et d’une grande culture, vous jouissez de l’estime et de la sympathie de vos collègues des juridictions françaises qui apprécient depuis 7 ans votre souci exemplaire de coopération.

En toutes circonstances, vous vous êtes révélé un collaborateur précieux de l’institution judiciaire et je me félicite, Monsieur Mogini, que Monsieur le Président de la République ait accepté de vous nommer chevalier de la Légion d’honneur par décret du 30 mai 2006.

Je poursuis avec vous, Monsieur Manuel García-Castellón, magistrat de liaison espagnol, également nommé chevalier de la Légion d’honneur par décret du 30 mai dernier.

Natif de Valladolid, vous êtes titulaire d’une licence en droit et d’un master en Communautés européennes de l’université de Salamanque. Vous poursuivez, ensuite, vos études à l’Institut René Cassin à Strasbourg où vous obtenez un mastère en droits de l’homme.

Vous débutez votre carrière dans la magistrature en qualité de juge de première instance et d’instruction dans différentes juridictions espagnoles avant d’être nommé juge à l’Audience nationale. Vous êtes alors chargé des dossiers liés au terrorisme, au crime organisé et à la grande délinquance financière.

Votre expérience et votre formation initiale vous destinaient tout particulièrement pour être nommé magistrat de liaison en France en l’an 2000.

A peine êtes-vous installé que vous participez à la création du groupe de travail franco-espagnol chargé d’améliorer la collaboration entre les juges et les procureurs de nos deux pays. Vos travaux aboutissent notamment à la mise en place de remises temporaires et à une augmentation notable des demandes officielles d’extradition satisfaites.

De même, le développement de l’échange immédiat d’informations sur les terroristes et sur la délinquance organisée entraîne des avancées considérables en matière de coopération.

Je pense en particulier à l’établissement du mandat d’arrêt européen, à l’interconnexion électronique des casiers judiciaires et à l’augmentation significative du nombre de résolutions favorables qui sont passées de 10 en l’an 2000 à 156 en 2004.

Vos compétences et votre disponibilité sont, je tiens à le souligner, appréciées tant des magistrats de l’administration centrale que de ceux des juridictions.

Particulièrement dynamique et actif, vous présidez, par ailleurs, le Comité technique des unités de la police judiciaire espagnole et vous êtes membre de la commission nationale de coordination de la police judiciaire.

Votre forte implication personnelle vous désignait, donc, tout particulièrement, Monsieur Manuel García-Castellón, pour recevoir la Légion d’honneur.

Je me tourne maintenant vers Monsieur Emmanuel Barbe, magistrat de liaison en Italie.

A votre sortie dans un excellent rang de l’Ecole nationale de la magistrature – deuxième sur 228 -, un cabinet d’instruction spécialisé en matière économique et financière vous est confié dans une juridiction frontalière, à Lille.

Rompu aux techniques informatiques, vous rejoignez ensuite l’administration centrale où vous êtes chargé, à la direction des services judiciaires de la mise en œuvre de la nouvelle chaîne pénale. Puis, vous êtes affecté à la direction des affaires criminelles et des grâces, plus précisément au bureau de la lutte contre la criminalité organisée, le trafic des stupéfiants et le blanchiment.

En 1997, vous êtes choisi pour servir sous l’autorité de l’ambassadeur représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne en qualité de conseiller pour les affaires de justice. Premier titulaire de ce poste nouvellement créé, vous êtes amené à participer à la mise en place d’un véritable espace judiciaire européen notamment en matière pénale. Pendant les six mois de la présidence française du Conseil de l’Union européenne en l’an 2000, la responsabilité de plusieurs groupes de travail vous est confiée. Vous possédez, en effet, toutes les qualités nécessaires à la négociation communautaire.

Fort de ce parcours particulièrement riche et diversifié, vous êtes nommé à compter du 1er juillet 2002 magistrat de liaison en Italie, pays dont votre épouse est originaire.

Avec un tel professeur, vous apprenez rapidement l’italien et vous vous attachez à entretenir une relation privilégiée avec les institutions judiciaires italiennes dont vous êtes devenu l’interlocuteur incontournable.

Maîtrisant toutes les particularités de vos fonctions dans un contexte parfois hautement sensible, vous vous révélez d’une grande efficacité à la fois pour vos collègues des juridictions et de l’administration centrale ainsi que pour les services diplomatiques grâce à votre professionnalisme, votre rigueur et votre sens des responsabilités.

L’image très positive du corps judiciaire français que vous donnez tant au monde diplomatique qu’aux autorités italiennes justifient pleinement, Monsieur Barbe, votre nomination dans l’ordre national du Mérite par décret du 15 mai 2005 après 19 années de services civils et militaires.

Je termine par vous, Monsieur Frédéric Baab, magistrat de liaison en Allemagne.

Titulaire d’une maîtrise de droit et d’un diplôme d’études universitaires générales d’allemand, vous êtes nommé attaché d’administration scolaire et universitaire à l’inspection académique des Hauts-de-Seine à votre sortie de l’Institut régional d’administration de Lyon. Trois ans plus tard, en 1994, vous passez avec succès le concours interne de la magistrature.

A votre sortie de l’ENM dans un très bon rang, vous êtes nommé substitut à Rouen où le service des mineurs vous est confié. Vous êtes, ensuite, juge d’instruction à Montbéliard.

Enfin, vous rejoignez l’administration centrale où vous êtes affecté au service des affaires européennes et internationales, plus précisément au bureau des négociations pénales.

C’est en juillet 2003 que vous devenez magistrat de liaison en Allemagne.

Votre parfaite connaissance de la langue due en partie à vos origines familiales, les 6 mois de stage que vous avez passés à la cour d’appel de Sarrebruck de même que votre connaissance approfondie des questions européennes vous recommandaient tout particulièrement pour ce poste.

Depuis un peu plus de 3 ans, vous œuvrez au renforcement des relations bilatérales entre l’Allemagne et la France, notamment lors de la préparation des sommets franco-allemands.

Vous traitez aussi des dossiers particulièrement sensibles tels que les conflits familiaux liés à la garde des enfants ou bien encore des procédures d’extradition parfois retentissantes. Comme votre collègue, Monsieur Manuel García-Castellón, vous apportez, également, votre concours à l’interconnexion des casiers judiciaires.

Chaque fois, vous faites preuve d’un sens remarquable des responsabilités et vous analysez les situations à travers de remarquables notes synthétiques comme le ferait un journaliste, suivant en cela l’exemple de votre père, ancien correspondant de l’A.F.P. à Berlin.

Votre contribution à l’œuvre de justice est tout à fait exemplaire et justifie pleinement, Monsieur Baab, votre nomination au grade de chevalier dans l’ordre national du Mérite par décret du 15 mai 2006 après 16 années de services civils et militaires.

A travers vos parcours respectifs, je me dois de constater, Messieurs, que vous participez, tous les quatre, avec conviction et dévouement, à la mise en place d’un espace de sécurité, de liberté et de justice que tous les pays de l’Union européenne appellent de leurs vœux.

Depuis la première expérience d’échange de magistrats conduite à l’origine avec nos amis italiens, nous pouvons être fiers d’avoir su nous montrer des précurseurs. Ce qui, au fil du temps, est devenu un « modèle» de coopération a, d’ailleurs, été adopté le 22 avril 1996 par l’Union européenne sous la forme d’une action commune.

De 1993 à 2006, les magistrats de liaison en poste dans les ministères de la justice étrangers comme ceux qui travaillent à vos côtés au sein du SAEI ont bien souvent joué un rôle déterminant qui a permis à la fois de faciliter les relations et de renforcer la compréhension avec nos principaux partenaires.

Ainsi, dans le combat difficile que nous livrons tous contre le crime organisé et le terrorisme, les magistrats de liaison forment un rouage essentiel de tous les dispositifs que nous mettons en place. Ils font la preuve au quotidien que le respect du droit peut se conjuguer avec l’efficacité des enquêtes au niveau international.

Les réussites nombreuses et incontestables nées de cette collaboration ont ainsi favorisé l’ancrage durable d’une formule que nous avons finalement construite tous ensemble.

Chacun de vous, Messieurs, à votre façon et avec vos personnalités, vous avez apporté votre pierre à cette nouvelle institution ce qui vous qualifiait tout particulièrement pour recevoir une distinction honorifique dont je suis particulièrement fier de vous remettre maintenant les insignes.

Stefano Mogini, nous vous faisons chevalier de la Légion d’honneur.

Manuel García-Castellón, nous vous faisons chevalier de la Légion d’honneur.

Emmanuel Barbe, au nom du Président de la République, nous vous faisons chevalier de l’ordre national du Mérite.

Frédéric Baab, au nom du Président de la République, nous vous faisons chevalier de l’ordre national du Mérite.