[Archives] Procès Tunnel du Mont Blanc et procès de pédophilie d’Angers

Publié le 06 octobre 2005

Discours du ministre lors de la réunion des magistrats et fonctionnaires qui ont traité de ces procès

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Trop souvent la Justice est stigmatisée pour ses dysfonctionnements. Ceux-ci sont réels mais ils sont rares, très rares.

En réalité, au quotidien, la Justice fonctionne beaucoup mieux qu’on ne le dit. Chaque jour des centaines d’affaires sont traitées dans d’excellentes conditions, à la satisfaction de tous. Cette réalité là il m’arrive, souvent de la décrire, d’autres le font également mais ce discours n’est pas entendu, en tout cas pas suffisamment. C’est l’éternelle histoire des trains qui arrivent à l’heure.

Il faut, en réalité, pour que tout le monde s’aperçoive que la Justice peut bien fonctionner, des évènements exceptionnels, des procès « hors normes ». Alors le pays tout entier est à l’écoute de l’actualité judiciaire et lorsque l’audience est parfaitement conduite par un président à la fois ferme et humain, marquant de l’autorité mais également un sens de l’écoute ; lorsque le siège du ministère public est occupé avec compétence et dignité ; lorsque l’institution judiciaire sait expliquer, informer, communiquer ; alors les Français se rendent compte que l’institution judiciaire est, en France, de bien meilleure qualité qu’on ne le dit et qu’elle est servie par des hommes et femmes, magistrats et fonctionnaires de Justice compétents et ayant le sens du service public.

De ce point de vue les procès d’Angers et de Bonneville ont été des procès exemplaires. Remarquablement préparés, ils ont été conduits avec efficacité et détermination.

Il ne m’appartient bien sûr pas de porter une appréciation sur le fond des décisions qui ont été rendues. Elles l’ont été en toute indépendance et, pour partie, elles ne sont pas définitives puisqu’elles ont fait l’objet de quelques recours en nombre d’ailleurs très limité. Mais j’ai lu la presse, j’ai écouté les observations des uns et des autres et j’ai pu m’apercevoir qu’autant que la conduite de ces deux procès, l’équilibre des décisions avait été salué. Les victimes, mais également l’opinion souhaitaient que la Justice passe, tous ont aujourd’hui le sentiment qu’à Angers et à Bonneville la Justice est passée.

En vous recevant aujourd’hui, je voulais bien sûr vous remercier de l’exceptionnel travail que vous avez accompli, témoigner auprès de vous de la remarquable image que vous avez donné de l’institution judiciaire et commencer à tirer avec vous les leçons de ces deux procès. Ils sont en effet porteurs d’enseignements pour l’avenir.

Mais je voulais d’abord, solennellement et symboliquement, mettre en lumière la capacité de l’institution judiciaire à traiter dans les meilleures conditions des dossiers pourtant extrêmement difficiles. A travers vous, aujourd’hui, c’est l’ensemble des magistrats et des fonctionnaires de Justice auxquels je voudrais rendre hommage. Ils font un métier difficile, ils sont soumis aux critiques les plus diverses et souvent les plus injustes et pourtant ce métier ils le font bien. Vous êtes le symbole de la qualité de notre justice au quotidien. C’est ce symbole que je tenais à saluer.

Avant de vous écouter, je voudrais vous dire quels sont les enseignements que j’ai d’ores et déjà retenus de ces deux procès.

Premier enseignement : Ils ont donné lieu, dans les juridictions, à de véritables projets de service.

  • Les membres des juridictions ont élaboré ensemble l’organisation du procès, mettant en valeur les synergies de la collaboration du siège et du parquet ;
  • L’existence d’un comité de pilotage et de groupes de travail thématiques créés bien longtemps à l’avance, entre un an et demi et deux ans avant la tenue des procès a permis la planification de la préparation et le déroulement des audiences, en y mettant les moyens matériels et humains.
  • La Justice a su s’organiser de telle sorte que le fonctionnement de l’ensemble de la juridiction ne s’arrête pas le temps du procès médiatique. Tous les justiciables ont en effet droit à une Justice de qualité dans des délais raisonnables.
  • Les enjeux immobiliers des procès sensibles sont quant eux méconnus. A Angers, les efforts communs pour réhabiliter et adapter le palais de justice ont nécessité une préparation minutieuse qui n'a été rendue possible que par l'implication personnelle des ingénieurs et agents techniques du ministère de la justice. C'est grâce à eux que ces procès "hors normes" ont pu se tenir dans de bonnes conditions ;
  • Il est, en outre, nécessaire de souligner l’engagement des chefs de cour qui m’apparaît indispensable.

Deuxième enseignement : Le travail en commun entre l’administration centrale et les juridictions a porté ses fruits :

  • La participation de la Mission modernisation à la préparation du procès de Bonneville a permis de relayer les demandes des juridictions en moyens et en personnels.
  • L’implication du SADJPV a permis de mutualiser les expériences d’accueil des victimes au cours du procès
  • La voix de l’institution judiciaire a été structurée et centralisée, en la personne d’un magistrat chargé de la communication, en relation permanente avec le SCICOM, le service central de l'information et de la communication du Ministère de la justice.

Troisième enseignement : La Justice a associé ses partenaires à la tenue du procès

  • Les victimes ont été associées à la préparation du procès. Tenues au courant de l’évolution des dossiers et des conditions matérielles, elles ont pu apprécier la volonté de l’institution judiciaire de placer les victimes au cœur du procès.
  • Les avocats de la défense ainsi que ceux des parties civiles ont été parties prenantes de ce travail. C’est bien sûr indispensable.
  • Le magistrat de liaison français en Italie a enfin facilité l’explication du droit français aux familles de victimes italiennes.

Mais au-delà de ces progrès, je crois qu’il est essentiel de comprendre que la Justice a abordé ces procès hors normes avec un nouvel état d’esprit, fait d’ouverture et de transparence. C’est cette nouvelle approche de la tenue du procès qui a été à l’origine de ces réussites :

  • Un très gros effort d’explication a été fait pour rendre la procédure et les décisions judiciaires abordables par tous les Français. Ce n’est pas en employant un vocabulaire technique que l’on peut rendre la Justice accessible ;
  • Les magistrats ont réalisé à quel point les victimes avaient également besoin d’explications. Ainsi, le président du Tribunal d’Angers, Eric Maréchal, a pris l’initiative de réunir les victimes les plus matures du procès d’Angers pour leur expliquer le verdict.

Les résultats sont là :

  • La Justice a su être présente à ces rendez-vous.
  • Vous avez contribué à améliorer l’image de la Justice

Je tiens à vous remercier sincèrement pour ce que j’ose appeler « des succès de la Justice ». C’est grâce à vous, à votre travail épuisant et acharné, à votre conscience professionnelle et à votre esprit d’équipe que cette réussite a été rendu possible.

J’ai voulu vous rencontrer pour vous témoigner ma satisfaction et de pouvoir vous le dire directement et très simplement.

Mais je pense aussi à l’avenir, à d’autres procès sensibles qui se tiendront.
Je souhaite que votre expérience enclenche un cercle vertueux, que ces investissements ne soient pas sans lendemain.

J’ai besoin pour cela que vous m’éclairiez sur quelques points précis :

  • comment adapter le travail des juridictions à la préparation d’un procès sensible ?
  • comment moderniser les outils de la Justice, en particulier dans le domaine des nouvelles technologies ?
  • comment planifier l’organisation d’un procès de ce type tel qu’il permette de gérer les imprévus (problèmes de santé, agendas des témoins) ?

Votre avis me sera précieux.

Trois thèmes ont été définis pour guider nos échanges :

  • « Associer tous les partenaires et coordonner la préparation et le déroulement d’un procès »
  • « L’organisation de l’audience et les relations avec les médias »
  • « Le soutien des victimes et l’explication d’un procès »

Je vous laisse maintenant la parole.