[Archives] Attachement au respect des valeurs républicaines

Publié le 11 mai 2010

Discours de Mme Alliot-Marie, ministre d'Etat, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés

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Monsieur le Président,
Monsieur le Président,
Madame le Député,
Mesdames et Messieurs les Députés,

La France n'est jamais autant elle-même, fidèle à son histoire, à sa destinée, à son image, que lorsqu'elle est unie autour de ses valeurs.

Les valeurs de la République, des valeurs qui ont pour nom : liberté, égalité, fraternité. Des valeurs qui se déclinent dans le respect de la dignité de la femme, dans l'égalité entre les hommes et les femmes, dans la volonté de vivre ensemble. Des valeurs qui garantissent la cohésion sociale, la vie en commun des citoyens, quelles que soient leurs différences d'âge, de sexe, d'origine, de religion.

La proposition de résolution soumise à votre examen traduit la mobilisation de votre Assemblée, au-delà des clivages partisans, pour le nécessaire respect des principes et des valeurs de notre pacte républicain.

Mesdames et Messieurs,

La proposition de résolution réaffirme les principes fondateurs de la République.

Avec cette proposition de résolution, vous abordez un sujet difficile.

L'honneur du politique n'est pas de fermer les yeux sur les sujets difficiles. Il est au contraire de les traiter, de les traiter avec courage, avec lucidité, avec conviction en s'appuyant sur les principes de notre socle républicain.

L'unité de la Nation est notre bien le plus précieux. Il nous appartient de la préserver.

L'unité, ce sont des règles communes à chaque citoyen. Sans règle, il n'y a pas de société. Sans compréhension des règles, il n'y a pas de relations sociales organisées et apaisées. Sans respect des règles, il n'y a pas de construction solide de l'avenir individuel et collectif.

L'unité, c'est aussi une envie de partager un destin commun.

La France ne serait pas la France, si elle n'était pas unie par cette volonté de vivre ensemble, nourrie par des expériences communes et le sentiment d'appartenir à une même communauté de destin. C'est pourquoi, à la différence de certains de nos voisins, le modèle français récuse le communautarisme, le vivre entre soi plutôt qu'avec les autres.

Le communautarisme encourage la formation de groupes fermés sur eux-mêmes, repliés sur leurs propres règles et coutumes.

Le port du voile intégral remet en cause ces valeurs que nous avons en partage et les principes même du vivre ensemble.

Le visage est la partie du corps qui porte la relation directe avec les autres.

Le voile intégral est la traduction vestimentaire du communautarisme. Il dissout l'identité d'une personne dans celle d'une communauté. Il remet en cause le modèle d'intégration à la française, fondé sur l'acceptation des valeurs de notre société. Il exprime le refus de vivre au sein de la communauté nationale.

Le respect d'autrui implique l'acceptation de la communication avec l'autre. Le voile intégral revient à se retrancher de la société nationale, à rejeter l'esprit même de la République fondé sur le désir de vivre ensemble.

Où est le vivre ensemble, lorsque des individus se retranchent du corps social en dissimulant leur visage ? Où sont les valeurs de la démocratie, lorsque des personnes sont contraintes de renoncer à leurs libertés fondamentales, liberté de communication, liberté d'expression ? Où est l'épanouissement individuel, lorsque des femmes, dissimulées sous un voile intégral, sont privées de contacts réels avec autrui ?

Mesdames et Messieurs les Députés,

La proposition de résolution, pas plus que le projet de loi que j'aurai l'honneur de vous présenter, ne mettent en cause, comme il m'est arrivé de l'entendre, les principes constitutionnels ou la religion musulmane.

Votre texte respecte les principes constitutionnels dans leur lettre comme dans leur esprit.

Il préserve les libertés.

- La liberté individuelle. La liberté ne signifie pas l'absence de règles et le droit de s'affranchir des principes de la vie en société. La liberté de chacun, dit l'adage, s'arrête là où commence celle des autres.

Le voile intégral heurte la liberté des femmes à qui il est imposé. Il heurte nos conceptions de l'individu et de la vie en société. Il est la traduction d'un double refus : refus se mêler à la société dans laquelle elle vit pour celle qui la porte, refus de laisser une femme s'intégrer à la société pour celui qui lui impose le port de ce voile.

Les Musulmans de France, dans leur immense majorité, ne se reconnaissent pas dans cette attitude contraire à nos valeurs.

- La liberté religieuse.

La France assure à chaque citoyen l'exercice de la religion de son choix. Elle autorise la construction d'édifices religieux sur son territoire.

Le Conseil Français du Culte Musulman l'a rappelé à diverses reprises : le port de la burqa n'est prescrit par aucun précepte du Coran. Il est même interdit dans plusieurs pays musulmans. L'Islam de France est respectueux, j'en témoigne, des règles de la République.

Le vivre ensemble, ensuite.

Le port du voile intégral est une menace pour l'ordre public social.

Il perturbe le fonctionnement de la vie sociale, et parfois la sécurité des personnes et des biens. Il entrave les relations entre individus.

Il entraîne un risque de stigmatisation contre une religion, à cause de quelques comportements atypiques. La société française n'assimile pas l'Islam à ces pratiques dégradantes.

Mesdames et Messieurs les Députés,

Le Gouvernement est déterminé à se donner tous les moyens de lutter contre des pratiques contraires aux valeurs républicaines.

Le Premier Ministre et moi-même menons une vaste concertation avec les responsables religieux et les représentants des partis politiques.

Le 19 mai prochain, je présenterai en Conseil des Ministres un projet de loi visant à interdire la dissimulation du visage dans l'espace public.

A l'heure de l'internationalisation et de la complexification de nos sociétés, les Français s'interrogent sur le devenir de notre Nation. Ils ne comprendraient pas notre incapacité à exprimer unanimement notre fermeté, notre vigilance et notre détermination.

Soyons fiers de ce modèle qui fonde notre pacte social et forge notre identité. Soyons dignes des exigences attachées au privilège de vivre en France, à l'honneur d'être Français.

Je vous remercie.