[Archives] Colloque « Enfance maltraitée : vivre après »

Publié le 22 octobre 2009

Discours de Michèle Alliot-Marie, ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

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4 minutes

Madame la Sénatrice, chère Isabelle DEBRE,

Madame la Présidente,

Mesdames et Messieurs,

Aujourd'hui, l'enfance maltraitée n'est plus un tabou pour la société. La tenue de ce colloque en apporte une nouvelle preuve.

Pour autant, dans les cas individuels de maltraitance, les violences commises sur les enfants sont encore trop souvent entourées de non-dits.

Souvent inscrite dans l'intimité du cercle familial, la maltraitance place la victime face à des difficultés parfois insurmontables : difficulté de nommer les violences dont elle fait l'objet, difficulté d'en désigner l'auteur, difficulté d'en parler à un interlocuteur de confiance.

Mesdames, Messieurs,

Pour agir contre la maltraitance de l'enfant, il faut lever les non-dits qui l'entourent. Votre association, « L'Enfant Bleu », y contribue par son engagement quotidien. Je tiens à le saluer.

Pour l'autorité publique, prendre en compte les spécificités des violences commises contre les enfants exige un changement radical dans la philosophie de la protection de l'enfance. Ce n'est pas aux enfants victimes de s'adapter aux institutions chargées de les protéger. C'est aux institutions de s'adapter pour venir en aide aux enfants victimes.

C'est pourquoi l'accompagnement des enfants victimes est au cœur de ma politique de protection de l'enfance.

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Mesdames et Messieurs,

Comme toute victime, l'enfant victime de maltraitance doit pouvoir être écouté. Mais l'enfant n'est pas une victime comme une autre. L'accompagnement des enfants victimes doit répondre à leur spécificité.

Cela suppose des acteurs institutionnels clairement identifiés.

La protection de l'enfance mobilise de nombreux acteurs : associations, magistrats, enquêteurs, avocats, élus locaux, médecins, travailleurs sociaux. La diversité des intervenants est un atout, si elle s'accompagne d'un clair partage des tâches.

Pour cela, la loi du 5 mars 2007 a posé le principe d'un double niveau de protection de l'enfance : protection administrative, sous l'autorité du président du Conseil général ; protection judiciaire, sous contrôle du juge des enfants.

Améliorer l'accompagnement des enfants victimes, cela suppose aussi une meilleure prise en charge tout au long de la procédure judiciaire.

C'est vrai de l'accueil des enfants victimes.

Partout où elles ont été installées, les unités d'accueil médico-judiciaires ont prouvé leur efficacité. Elles permettent le recueil de la parole des enfants victimes dans un cadre adapté, rassurant. Elles limitent ainsi les effets traumatiques du traitement judiciaire, en plus du traumatisme subi par l'enfant.

Les unités médico-judiciaires sont efficaces. Il faut en tirer toutes les conséquences. Je souhaite donc qu'une unité médico-judiciaire soit installée dans le ressort de chaque cour d'appel.

Une fois les démarches engagées, la victime doit bénéficier d'un accompagnement personnalisé.

La désignation par le magistrat d'un administrateur ad hoc permet au mineur de disposer d'un interlocuteur disponible, prêt à l'aider dans les démarches engagées. La proposition de loi relative à la lutte contre l'inceste sur les mineurs la généralisera.

 

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Mesdames et messieurs,

Adapter l'accompagnent des enfants victimes est une nécessité. Agir contre les violences faites aux enfants est une exigence.

L'accompagnement des victimes s'inscrit dans une approche globale de la protection de l'enfance, visant à améliorer la prévention et sanction contre les auteurs de maltraitance.

La prévention repose à la fois sur un travail d'influence et un travail de terrain.

Des outils et des méthodes ont été mis en place ces dernières années. Aujourd'hui, je veux aller plus loin.

La création du Défenseur des droits renforcera le poids institutionnel de la défense des droits de l'enfant.

Beaucoup a été dit sur ce sujet, parfois à tort. La vérité, c'est que le Défenseur des droits marque une véritable avancée par rapport au Défenseur des enfants.

Reconnu par la Constitution, le Défenseur des droits gagnera en autorité et en visibilité par rapport aux compétences et moyens du Défenseur des enfants. Il sera doté d'un véritable pouvoir d'injonction, ainsi que de moyens d'investigation élargis. Le Défenseur des droits sera assisté d'un collège composé de personnalités qualifiées, spécialement chargé de l'éclairer en matière de défense des enfants.

Au total, la défense des droits des enfants s'en trouvera considérablement renforcée.

Sur le terrain, il faut renforcer l'action partenariale des acteurs de la prévention.

En instituant les « cellules de recueil des informations préoccupantes », la loi du 5 mars 2007 nous en donne les moyens.

Juges des enfants, procureurs, travailleurs sociaux, chefs d'établissement scolaires, médecins et élus peuvent y travailler ensemble.

L'efficacité suppose que tous les départements en soient dotés. Ce n'est pas encore le cas aujourd'hui. Je veillerai personnellement à ce que la loi soit pleinement appliquée sur ce point.

L'efficacité exige aussi la confiance entre les différents partenaires. J'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises : la notion de « secret partagé » doit entrer dans les pratiques professionnelles. Les considérations corporatistes et routinières doivent s'effacer devant l'intérêt de l'enfant.

La prévention doit aller de pair avec la fermeté contre les auteurs de violence sexuelle contre les mineurs.

La lutte contre les violences commises contre les mineurs, en particulier les violences sexuelles, est l'une des priorités de ma politique pénale. La circulaire de politique pénale que j'adresserai prochainement aux parquets est sans ambiguïté.

Le projet de loi contre la récidive des délinquants sexuels renforcera le suivi socio-judiciaire de ces délinquants.

Le non-respect d'une obligation de traitement médical contre la libido sera sanctionné par l'emprisonnement. Le médecin aura obligation de prévenir le juge d'application des peines en cas de manquement à l'injonction de soin.

Un dossier unique de personnalité du condamné permettra de centraliser les expertises et examens médicaux et psychiatriques.

Le texte sera présenté en Conseil des Ministres la semaine prochaine. Il sera examiné par l'Assemblée nationale au tout début du mois de novembre.

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Mesdames et Messieurs,

Protéger l'enfance, c'est préserver un temps de la vie où l'individu se forme, se construit, et se prépare à la vie d'adulte.

C'est permettre à des personnes de devenir des hommes et des femmes épanouis, dans leur vie familiale comme dans leur vie sociale. C'est garantir à chacune et chacun le droit à une vie normale.

C'est le sens, Madame la Présidente, de l'engagement exemplaire de votre association. C'est l'enjeu de notre politique de protection de l'enfance.

Vous pouvez compter sur ma détermination.