[Archives] Signature de la convention avec le SPIP au Sénat coutumier

Publié le 23 décembre 2016

Discours de Jean-jacques URVOAS, garde des Sceaux, ministre de la Justice

Discours à l’occasion de la signature de la convention avec le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) Hémicycle du Sénat coutumier, Nouméa le jeudi 15 décembre 2016

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Seul le prononcé fait foi

Mesdames et Messieurs les sénateurs,

Tout d’abord, je souhaiterais vous dire à quel point je suis honoré de pouvoir vous rencontrer et m’exprimer devant vous.

C’est la quatrième fois que je me rends en Nouvelle-Calédonie, - les trois premières fois, c’était en tant que député -, et je sais le rôle essentiel que joue le Sénat coutumier.

Vous êtes la 1ère instance coutumière et votre institution est naturellement concernée par tous les sujets ayant trait au pays et à son avenir.

C’est la raison pour laquelle je suis honoré de pouvoir m’exprimer devant vous, en tant que garde des Sceaux, et d’aborder les enjeux importants de la détention et de la réinsertion.

Je veux évidemment saluer le Président Joanny CHAOURI de l’aire IAAÏ.

Dès le début du quinquennat, nous avons pris à bras-le-corps les questions pénitentiaires de la Nouvelle-Calédonie pour résoudre les problèmes qui y étaient liés.

Beaucoup a été fait, dans un délai restreint, - à peine 4 ans -, et même si beaucoup reste encore à faire, nous pouvons être fiers de ce qui a été réalisé.

Rien n’aurait pu être fait, si nous n’avions pas agi ensemble, main dans la main.

Mais ce n’est pas seulement l’esprit collectif qui nous guide ; c’est une même conception de la prison, ce sont des valeurs partagées concernant la réinsertion.

La prison doit avoir une obsession : la réinsertion. Elle doit être un lieu qui rend possible l’avenir.

Comment se réinsérer lorsque l’on a perdu ses repères familiaux, sociaux et culturels ?

Comment avoir confiance en soi, si l’on se sent inutile, si l’on ne voit pas quelle place on pourrait occuper dans la société ?

Suivre une formation, avoir une activité, s’inscrire dans un faire collectif, donnent à chacun l’estime de soi.

Ils aident la personne condamnée à reprendre sa place, dans le destin commun.

C’est la raison pour laquelle je souhaiterais saluer les démarches partenariales qui ont été entreprises.

Grâce aux différentes conventions, les détenus sont accompagnés et aidés dans leur réinsertion au sein de la société traditionnelle.

Je pense à la récente convention entre le service de probation et d’insertion et le conservatoire de l’igname.

Je me rendrai d’ailleurs au centre pénitentiaire de Nouméa, où j’espère voir la plantation d’ignames réalisée par des détenus le 8 décembre dernier, au sein du « camp Est ».

C’est un message fort pour un certain nombre de détenus, mais aussi pour l’ensemble du personnel.

Je sais que l’igname  est au centre de la vie d’un kanak, et que le lien à la terre constitue une valeur majeure pour le peuple premier.

D’ailleurs, l’accord de Nouméa le rappelle : « l’identité de chaque kanak se définit d’abord en référence à une terre » (article 1.4).

Ces plantations prennent donc un sens très symbolique.

Je souhaiterais revenir plus particulièrement sur les conventions liées au Travail d’Intérêt Général (TIG).

Le TIG a un caractère formateur ; il s’accomplit dans une démarche de réparation.

Les conventions signées entre les Services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) et les communes d’Ouvéa et de Lifou en constituent de beaux exemples.

Certes, elles sont très récentes, - celle d’Ouvéa date de juin et celle de Lifou date de septembre -, mais elles sont prometteuses.

En permettant à la personne condamnée de réaliser un travail non rémunéré dans la tribu d’accueil, elles lui permettent d’effectuer une activité au profit de la société.

D’embrasser la valeur du travail.

Elles le réinscrivent au cœur d’une tradition culturelle et sociale, au cœur d’un vivre-ensemble.

Je sais, enfin, que des rencontres sont organisées depuis le 27 octobre, dans le cadre de la justice restaurative, grâce :

  • au Sénat coutumier,

  • au SPIP de Nouvelle-Calédonie,

  • à l’ADAVI (Association pour l’Accès aux Droits et l’Aide aux Victimes),

  • et à l’IFJR (Institut français pour la Justice Restaurative).

C’est une expérimentation très intéressante.

La responsabilisation, la réflexion, l’écoute et la prise de conscience des actes, sont des leviers essentiels de la réparation, de la réinsertion et de la préparation de l’avenir.

Ils sont, à mes yeux, constitutifs de la dignité de la personne.

Toutes ces expérimentations sont encore très récentes et devront bien évidemment être ajustées, selon les premiers résultats.

Le philosophe allemand NIETZSCHE disait que « expérimenter, c’est imaginer » !

Certaines expérimentations seront peut-être améliorées ; d’autres seront peut-être abandonnées.

Dans tous les cas, il faut prendre des initiatives, il faut avoir le courage d’expérimenter de nouvelles choses.

Je ne connais pas de meilleure méthode pour prendre des décisions utiles et mettre en place des dispositifs qui fonctionnent et qui remplissent leur mission.

Nous avons beaucoup de choses à construire ensemble, et en premier lieu : l’avenir !

En travaillant ensemble à réinsérer des personnes condamnées au sein du contrat social, nous ne faisons que traduire concrètement les valeurs qui nous réunissent.

Je vous remercie de votre attention et de l’honneur que vous m’avez fait en m’invitant à m’exprimer devant vous.

 

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