[Archives] Inauguration du Centre Educatif Fermé de Mulhouse, 14 novembre 08

Publié le 14 novembre 2008

Discours de Madame Rachida Dati, Garde des Sceaux, ministre de la Justice

Aujourd'hui nous inaugurons, ici à Mulhouse, le 37ème CEF.

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Monsieur le Ministre-Maire,

Madame le député, chère Arlette,

Mesdames et Messieurs les élus,

Monsieur le Préfet,

Mesdames et Messieurs les chefs de Cour et de juridiction,

Mesdames et Messieurs les magistrats

Mesdames et Messieurs le directeurs territoriaux et personnels de la Protection Judiciaire de la Jeunesse,

Monsieur le président de l'Association régionale spécialisée d'action sociale, d'éducation et d'animation (ARSEA),

Mesdames et Messieurs les directeurs de centres éducatifs fermés,

Mesdames et Messieurs,

 

 

Aujourd'hui nous inaugurons, ici à Mulhouse, le 37ème CEF.

 

Le programme se poursuit. A terme, en 2010, nous disposerons de 48 CEF. Au total ce sont 524 mineurs qui pourront y être accueillis.

 

Ce CEF de Mulhouse est caractéristique de la politique que nous menons.

 

              1. Le succès des CEF repose sur des partenariats et une approche pluridisciplinaire uniques.

  • Une telle structure ne peut voir le jour qu'avec une volonté politique forte.

Ici, à Mulhouse, l'aide de la ville a été déterminante. La municipalité a été aux côtés de la Justice à chaque étape. Elle a, en particulier, apporté une contribution décisive au projet en mettant un terrain à disposition pour bâtir ce CEF. Je remercie vivement le Maire de la Ville -Cher Jean-Marie- et toute son équipe pour son investissement et sa détermination, ainsi que celle d'Arlette Crosskost.

L'Alsace dispose désormais de deux CEF pour répondre à un besoin réel. Deux structures spécialement conçues et adaptées pour prendre en charge les mineurs délinquants les plus difficiles.

  • Un CEF c'est aussi une équipe éducative et pédagogique ouverte sur l'extérieur qui travaille sur un projet d'insertion ou de réinsertion dès le début du placement du jeune.

A Mulhouse, vous avez la chance d'avoir une association expérimentée et reconnue pour mener ce travail.

Je tiens à rendre hommage à l'action, déjà ancienne, de l'ARSEA aux côtés de la Justice.

Cette association a été créée peu après l'ordonnance relative à l'enfance délinquante de 1945.

Elle gère déjà douze structures habilitées Justice dans le domaine socio-éducatif.

Nous signerons tout à l'heure avec cette association le premier protocole d'expérimentation de la prochaine réforme de l'ordonnance de 1945. Il démontre qu'une fois encore le secteur associatif sait se mobiliser pour accompagner l'évolution de la justice pénale des mineurs.

 

Je n'oublie pas que c'est le secteur associatif qui a été le premier à soutenir et mettre en œuvre le programme de déploiement des CEF. Il en a permis le succès, en dépassant toutes les réticences que les CEF avaient pu susciter.

Je remercie Monsieur Materne ANDRES, le Président de l'ARSEA, pour son engagement renouvelé. Et j'adresse tous mes vœux de succès aux professionnels qui vont faire vivre ce CEF au quotidien.

  • Bien sûr - c'est le cœur de la mission des CEF - ce travail de réinsertion des jeunes ne peut se faire de façon isolée.

- Les services de la PJJ du ministère de la Justice sont bien évidemment impliqués dans cette mission. Ils veillent de manière générale à la bonne exécution des mesures ordonnées par les magistrats. Ils assurent la continuité du suivi des jeunes.

 

Bien d'autres acteurs institutionnels et de nombreux partenaires extérieurs sont également mobilisés autour des jeunes pris en charge en CEF :

- L'Education nationale ;

- Les entrepreneurs, les centres d'apprentissage et de formation ;

- Le secteur médico-social ;

- Les collectivités locales.

 

L'objectif est clair :

- Travailler sur les carences de ces jeunes.

- Traiter les facteurs d'échec et de passage à l'acte de chacun.

- Valoriser leurs qualités et leurs potentiels.

 

Sans les partenaires que je citais précédemment, ces objectifs ne seraient pas à notre portée.

Les CEF ont permis, pour la première fois, de développer une approche individualisée et globale des toutes les problématiques des jeunes délinquants.

 

C'est évident :

- Il n'y a pas d'insertion scolaire ou professionnelle possible sans remise à niveau de ces jeunes. La moitié d'entre eux est en rupture de scolarité depuis plus de 6 mois en moyenne à son arrivée en CEF.

 

- On ne lutte efficacement contre leur récidive que si l'on traite les causes du passage à l'acte.

Le placement en CEF est souvent le révélateur des troubles de la personnalité que peuvent présenter de jeunes délinquants.

Cela contribue plus ou moins directement à leur parcours de délinquance.

Les éducateurs sont souvent désemparés face à ces comportements.

 

C'est la raison pour laquelle j'ai lancé dès mon arrivée à la tête de ce ministère une expérimentation dans cinq CEF, qui disposent d'une équipe thérapeutique renforcée. Pour les mineurs, comme pour les éducateurs, cette prise en charge médico-psychologique renforcée apparaît d'ores et déjà bénéfique.

 

La nécessité de faire travailler ensemble tous ces partenaires apparaît comme une évidence. C'est néanmoins un travail de terrain, qui s'avère parfois difficile. Chacun suivant sa logique propre et étant soumis à ses contraintes.

 

C'est en surmontant ces obstacles que les CEF parviennent à des résultats plus qu'encourageants.

 

 

              2. Les résultats des CEF démontrent que l'on ne se trompait pas lorsqu'on préconisait la fermeté à l'égard des mineurs les plus difficiles, pour les conduire, dans un cadre contraignant, sur la voie de la réinsertion.

  • Avec cinq années de recul sur les premiers CEF, on constate un effet indiscutablement positif sur les mineurs placés :

61 % des mineurs qui y sont placés ne récidivent pas.

84 % d'entre eux reprennent leur scolarité ou une formation professionnelle.

 

Pour mesurer l'importance de ces résultats, il faut rappeler de quel public nous parlons :

 

- les mineurs placés en CEF sont le plus souvent des délinquants endurcis : multirécidivistes ou multi-réitérants, à l'égard desquels la plupart des mesures éducatives ont échoué et qui commettent généralement des infractions dont la gravité va en augmentant ;

 

- il s'agit parfois de mineurs qui ont commis un acte particulièrement grave, de nature criminelle, et auxquels on évite la prison par un placement en CEF ;

 

- ce sont des mineurs qui présentent des carences très importantes qui entravent leur insertion : 50 % d'entre eux ont un passé judiciaire, 30 % étaient incarcérés avant d'être placés en CEF, 76 % ont été placés au moins une fois avant leur arrivée en CEF et 33 % ont même été placés plus de trois fois.

 

                                                        *

                                                       * *

 

Mesdames et Messieurs,

 

Il fallu surmonter bien des hostilités pour arriver à inaugurer aujourd'hui un 37ème Centre Educatif Fermé.

 

Aujourd'hui, le pari est réussi. Ce type structure, spécialement conçu pour les mineurs délinquants les plus durs, a démontré son efficacité.

Ses résultats parviennent à rallier les plus sceptiques.

Le dispositif démontre que l'éducatif et la fermeté ne sont pas contradictoires.

 

Bien au contraire, j'ai la conviction absolue que nous n'agirons efficacement contre la délinquance des mineurs qu'en mettant la sanction au cœur de l'intervention éducative.

Ces jeunes banalisent leurs infractions et ignorent trop souvent les victimes de leurs actes.

Il est de notre devoir de leur rappeler fermement les interdits.

Il serait irresponsable de les traiter comme des victimes et de ne pas tenir à leur égard un discours clair sur leur responsabilité.

 

Dans quelques jours la Commission présidée par le Recteur Varinard me remettra un rapport, qui servira de base à une refondation de la justice pénale des mineurs.

 

Je souhaite dès aujourd'hui promouvoir quelques expérimentations qui visent à répondre à certains des objectifs retenus dans la lettre de mission de la Commission.

 

L'un de ces objectifs consiste à assurer une réponse pénale rapide et de qualité aux actes de délinquance.

On sait qu'une intervention au plus tôt de la justice évite un nouveau passage délinquant. Nous avons déjà amélioré de 10 % le taux de réponse pénale par rapport à 2001. Il est actuellement de 91 %.

 

Un effort reste à faire pour que les jugements des actes de délinquance simples commis par les mineurs soient rendus plus rapidement.

Les mineurs n'ont pas la même perception du temps que les adultes.

La décision perd de son sens lorsqu'elle intervient trop tardivement par rapport à la date des faits.

Il faut absolument lutter contre le phénomène d'empilement des procédures. Chaque affaire doit faire l'objet d'une décision dans les meilleurs délais. Sans quoi, dans l'intervalle, le mineur peut commettre plusieurs autres faits. Une décision est alors rendue pour le tout, parfois lorsque le jeune a déjà passé le cap de la majorité.

 

L'amélioration de ces pratiques repose sur l'engagement de tous les intervenants de la chaîne de décision judiciaire. C'est le sens du protocole que nous allons signer dans quelques instants.

 

Je tiens à remercier, très sincèrement et très chaleureusement, tous ceux ici présents, qui ont accepté de s'engager dans cette expérimentation :

  • L'ARSEA et les services de la PJJ tout d'abord, qui s'engagent à deux
    choses :

  1. Fournir dans un délai d'un mois au plus une enquête sociale qui décrit la situation du mineur sous tous ses aspects ;

  2. Rendre dans un délai de trois mois maximum leurs rapports d'investigation et d'orientation éducative. Ce qui nécessite un travail plus approfondi puisque des solutions pour la prise en charge future du jeune sont proposées au juge.

Les magistrats pourront ainsi disposer, dans des délais raisonnables, des éléments utiles pour prendre une décision éclairée et appropriée.

 

  • Les magistrats de leur côté transmettront leurs demandes de rapports d'enquête sociale ou d'orientation éducative par voie dématérialisée à la PJJ ou à l'ARSEA, pour leur permettre de commencer au plus tôt leurs investigations.

Ils fixeront dès ce moment là la date d'audience.

 

Dans ces conditions, un jugement pourra être rendu dans les six mois qui suivent la saisine du juge pour un jeune sur lequel le juge ne dispose pas d'informations suffisantes pour prendre sa décision sur le fond.

Evidemment, dans l'intervalle, le juge pourra décider d'une mesure provisoire concernant le jeune.

 

Les tribunaux de Saverne, Strasbourg, Colmar et Mulhouse, et les services qui œuvrent avec eux, seront ainsi les précurseurs d'un dispositif que l'on pourra généraliser dans le cadre de la refonte de la justice pénale des mineurs.

 

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                                                         *

 

Mesdames et Messieurs,

 

Les Français attendent de leur Justice qu'elle soit à l'écoute de leurs préoccupations et se mette en mesure d'y répondre de façon satisfaisante.

 

Aujourd'hui nous contribuons ensemble à répondre à cette attente. Nous contribuons ensemble à améliorer notre justice.

 

Nos concitoyens doivent le savoir :

Nous ne sommes pas passifs face à la délinquance des mineurs qui les inquiète.

 

La Justice est à leurs côtés pour faire respecter les lois qui nous permettent de vivre ensemble.

 

Elle ne laissera pas se développer le sentiment d'impunité que certains jeunes ont pu nourrir ces dernières années.

 

Elle mènera la lutte contre la délinquance des mineurs dans le respect de nos valeurs républicaines et démocratiques et au nom de ces valeurs.

 

Je vous remercie.