[Archives] Clôture de la Conférence des ministres francophones de la Justice

Publié le 14 février 2008

Discours de Madame Rachida Dati, Garde des Sceaux, ministre de la Justice

Notre conférence s’achève. Permettez-moi de saluer le travail accompli au cours de ces deux journées. Nos échanges ont été nombreux, divers et de qualité.

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Rachida Dati avec Abdou Diouf, secrétaire général de la francophonie / Crédits Photos C MONTAGNE

Monsieur le Secrétaire général de la Francophonie,

Mesdames et Messieurs les Ministres, chers collègues,

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Mesdames et Messieurs les Magistrats,

Mesdames et Messieurs,

Chers Amis,

Je tiens une nouvelle fois à remercier tous ceux qui ont permis la tenue et le succès de cette IV° conférence des ministres francophones de la Justice.

Ces deux jours ont parfaitement résumé l’idéal de la Francophonie : une communauté d’esprit dans le respect de nos diversités culturelles.

 

Communauté d’esprit renforcée pour nous, ministres de la Justice, par la volonté partagée de contribuer à l’Etat de droit et au respect de la Justice.

Car une langue véhicule aussi un message politique, une certaine vision du monde.

La Déclaration que nous avons adoptée est le résultat de plusieurs mois de travail et de réflexion. Elle a été alimentée par nos deux jours de discussion. Elle sera rendue publique dans quelques instants.

Cette Déclaration émane des ministres de la Justice de 55 Etats. C'est-à-dire des représentants de plus d’un tiers des états de la planète.

 

C’est un signal politique fort que nous envoyons à de 200 millions de Francophones.

C’est un signal fort que nous envoyons au reste du monde.

C’est le signe d’une Francophonie bien vivante.

Cette Déclaration rappelle les engagements constants de la Francophonie :

  • la consolidation de la démocratie,
  • la protection des droits de l’homme, qui conserve toute son actualité, 60 ans après la Déclaration universelle des droits de l’Homme,
  • l’accès à une Justice indépendante et impartiale.

Ce sont de belles valeurs.

Ce sont nos valeurs.

Elles guident notre action.

Cette Déclaration ne se contente pas d’émettre des résolutions de circonstances : c’est un point auquel le Président Diouf et moi-même étions particulièrement attachés. Notre Déclaration annonce des coopérations et des mesures concrètes.

 

Elle montre que la Francophonie n’est pas une communauté virtuelle, mais une communauté d’action. Une communauté engagée sur le terrain, soucieuse d’assurer le bien-être de ses populations.

La Déclaration de Paris constitue une avancée significative. Elle ouvre de nouvelles perspectives. Quelles sont-elles ? Elles tiennent en trois engagements.

Nous prenons aujourd’hui l’engagement d’œuvrer pour une justice indépendante et de qualité.

 

C’est un enjeu essentiel et constant dans chaque démocratie.

Pour y parvenir, il y des initiatives concrètes à prendre. Nous les prenons à travers notre déclaration commune.

Je pense en particulier à la formation initiale et continue des magistrats.

Une Justice efficace et légitime, c’est une Justice impartiale et indépendante.

C’est une Justice qui s’appuie sur des magistrats professionnels et techniquement irréprochables.

C’est une Justice en laquelle on a confiance.

La Francophonie a un rôle majeur à jouer dans la formation des magistrats. Nous pouvons compter sur la forte mobilisation de l’Organisation internationale de la Francophonie. Nous pouvons aussi compter sur l’investissement de son Secrétaire général, le Président Abdou Diouf.

Je vous ai parlé hier de la réforme de l’Ecole de la magistrature de Bordeaux et du développement des ses activités internationales.

J’encourage chaque Etat membre à mobiliser ses réseaux nationaux de formation et à mettre en place des coopérations internationales et régionales. Elles permettent de mutualiser les moyens et de mieux partager l’information juridique. Je pense par exemple à une réalisation d’envergure : la création en 1995 de l’Ecole régionale supérieure de la magistrature. C’est un bel exemple d’amitié et de solidarité entre peuples francophones. Cette école, installée au Bénin, assure la formation et le perfectionnement des magistrats provenant des 17 Etats membres de l’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires (OHADA).

Une autre coopération constitue un apport inestimable : c’est l’association des hautes juridictions de cassation. Elle assure, notamment via Internet, une large diffusion des jurisprudences nationales.

Ces initiatives constituent des avancées concrètes qui font avancer la Justice et la Francophonie.

 

Aujourd’hui, nous avons également pris un deuxième engagement. Nous voulons contribuer à prévenir la fragilisation de l’Etat ou à préparer les sorties de crises.

Cet engagement est fondamental. Il s’agit de contribuer au renforcement de la démocratie et de l’Etat de droit.

La Francophonie a un rôle essentiel à jouer à cette occasion, notamment par le biais de partenariats renforcés.

La Déclaration préconise la constitution de banque d’experts spécialisés dans différents secteurs de la Justice (droit constitutionnel, droit public, droit pénal). Ces experts pourraient être rapidement mobilisés dans le cadre d’actions conduites par l’Organisation internationale de la Francophonie. Ces équipes me semblent effectivement nécessaires. Elles constituent une véritable capacité d’expertise francophone. C’est cela, une francophonie concrète. Vous pouvez compter sur l’engagement de la France.

Ces équipes pourraient notamment apporter un soutien aux Etats engagés dans la lutte contre la corruption. La corruption ruine les fondements d’une démocratie. L’ONU la qualifie de « fléau mondial ». La lutte contre ce fléau est un enjeu majeur pour beaucoup d’Etats-membres.

La Convention des Nations-Unis contre la corruption de 2003, dite « Convention de Mérida » constitue le premier outil universel et global de lutte contre la corruption. Elle aborde tous les aspects de cette question :

  • la transparence des règles de recrutement,
  • la transparence des finances et des marchés publics,
  • les codes de conduite pour fonctionnaires et agents publics,
  •  la création d’infractions spécifiques (corruption active d’agents publics) à transposer en droit interne.

C’est une convention fondamentale.

La France l’a ratifiée en juillet 2005.

Notre Déclaration invite les Etats-membres non-signataires de cette convention ou ceux qui ne l’ont pas encore ratifiée à le faire.

C’est une convention complexe. Elle peut être parfois difficile à mettre en œuvre. Il ne faut pas se le cacher.

Nous proposons de mobiliser nos experts nationaux pour aider les Etats-membres qui le souhaitent à mettre en œuvre un dispositif de lutte contre la corruption. La France conduit déjà de nombreuses coopérations sur ce thème. Des rencontres bilatérales ont encore eu lieu récemment à la Cour de cassation avec certains Etats-membres de la Francophonie. Des propositions de collaborations concrètes ont été formulées, comme l’accueil de magistrats ou de policiers pour des stages dans les services de lutte contre la criminalité organisée ou la délinquance financière. Je suis prête à renouveler ces partenariats.

Ceux qui le souhaitent peuvent aussi compter sur le soutien de l’Organisation internationale de la Francophonie, de l’Union européenne ou de la Banque mondiale.

Vous le voyez, les propositions d’assistance ne manquent pas. Il ne reste plus qu’à les saisir.

Enfin, nous avons aujourd’hui pris un troisième engagement. Nous voulons rendre le droit économiquement attractif dans les pays de la francophonie.

Le droit doit contribuer à l’essor économique de nos pays. Le droit est un instrument de lutte contre la précarité et la pauvreté. C’est un instrument de croissance et de développement durable.

Cela suppose que nos droits nationaux soient attractifs et ne freinent pas l’économie.

Une nouvelle fois, la Francophonie peut aider les Etats-membres à rendre leur système juridique plus performant.

Pour certains Etats, cela prendra la forme d’une aide pour mettre sur pied une législation permettant les microcrédits ou la création de micro-entreprises. Ces mesures permettent de libérer les énergies et les initiatives.

Pour d’autres, il s’agira de revisiter leur droit pour éliminer les entraves au développement qu’il peut contenir.

 

Depuis 2005, la France conduit un programme international de recherche sur l’attractivité économique du droit. Ce travail démontre que le droit écrit n’est pas un frein au développement. Il n’y a pas un droit de la croissance et un droit de la stagnation économique. Chaque droit peut être un facteur de développement.

Plusieurs études et rapports ont déjà été réalisés.

J’ai tenu à ce qu’ils vous soient communiqués. Ils pourraient peut-être constituer une source d’inspiration pour la francophonie.

Je pense également aux travaux conduits sous l’égide de l’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires (OHADA). L’OHADA est une grande réalisation de la francophonie. Il faut saluer cette initiative unique. Cette institution produit, pour ses Etats-membres, des règles de droit harmonisées. Ces travaux sont très précieux pour ceux qui souhaitent moderniser leurs droits nationaux. Ils constituent une contribution sans équivalent.

Conférence des ministres francophones de la Justice - Credits Photos C MONTAGNE

Conférence des ministres francophones de la Justice - Crédits Photos C MONTAGNE

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Monsieur le Secrétaire général,

Mesdames et Messieurs les Ministres de la Justice, mes Chers Collègues,

La Déclaration de Paris que nous avons adoptée marquera durablement nos actions.

La Francophonie n’est pas un seulement un symbole. L’amitié qui nous unit doit se traduire concrètement.

Notre déclaration formule des propositions concrètes. Elles font avancer la Francophonie du Droit et de la Justice.

Nous veillerons également à ce que ces engagements soient mis en œuvre et fassent l’objet d’une programmation rigoureuse au sein de l’Organisation de la Francophonie.

Nous devrons évaluer les mesures prises pour nous assurer que la Déclaration de Paris a bien été suivie d’effets.

Nous devons nous inscrire dans une politique d’efficacité et de résultats.

La Francophonie porte un beau projet. Celui d’un monde de paix, de liberté, de démocratie et de Justice.

Ce sont de précieux idéaux.

Il nous appartient de les faire vivre.

Il nous appartient de les transmettre aux peuples de la Francophonie.

Il nous appartient de les faire partager au reste du monde.

Le Président de la République le dit souvent : la Francophonie doit être « vivante et populaire ».

Je suis certaine que, grâce à vous tous, nous y parviendrons.

Je vous remercie.