[Archives] 23è Assises Nationales de l’Institut national d’aide aux victimes

Publié le 17 juin 2008

Discours de Didier Leschi, chef du SADJPV

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Discours de Didier Leschi, chef du SADJPV ,

23 è Assises Nationales de l’Institut national d’aide aux victimes et de médiation

Montigny-le-Bretonneux, Jeudi 12 juin 2008

 

Monsieur le Sénateur,

Monsieur le Maire de Montigny-le- Bretonneux,

Monsieur le Maire de Versailles,

Monsieur le Président de la Communauté d’Agglomération de Saint-Quentin en Yvelines,

Monsieur le Procureur général près la Cour d’appel de Versailles,

Monsieur le Président de l’INAVEM,

Monsieur le représentant du Ministre de la Justice du Québec,

Mesdames, Messieurs,

Merci, Monsieur le Président, de votre accueil.

Vos Assises Nationales me donnent l’occasion de faire le point sur l’action que nous menons depuis plus d’un an en faveur des victimes. C’est aussi l’occasion d’évoquer les chantiers qui seront mis en oeuvre dans les prochaines semaines.

Vous savez l'importance que j'attache au fait qu'une réponse soit systématiquement apportée à chaque acte de délinquance .

Derrière chacun de ces actes, il y a une infraction pénale.

Elle doit être sanctionnée.

Derrière beaucoup de ces actes, il y a une victime. Elle attend une écoute, une aide et un accompagnement.

Le regard de l’institution judiciaire sur les victimes a heureusement changé. Des progrès indéniables ont été accomplis en 20 ans. Aujourd'hui les victimes ont acquis un véritable statut dans la procédure judiciaire : leur place est reconnue, leurs droits sont garantis, leurs demandes prises en compte. Une prise en charge globale, à la fois juridique et psychologique, est organisée. Leur accompagnement à l’audience est assuré. Je pense en particulier à ce qui est mis en place lors de procès dits « exceptionnels ».

J’ai rencontré lundi l’ensemble des acteurs ayant contribué au bon déroulement du procès de Michel Fourniret et de Monique Olivier. La mobilisation des intervenants des associations de Charleville-Mézières, de Reims et des départements dont sont issues les familles des victimes, a été remarquable. Je souhaite à nouveau leur rendre hommage aujourd’hui.

Malgré les progrès accomplis ces dernières années, il reste à convaincre les Français, et spécialement les victimes, de croire en leur justice.

C’est pourquoi, j’ai souhaité la mise en place d'outils plus efficaces pour lutter contre la récidive des délinquants dangereux.

Les lois d’août 2007 et de février 2008 relatives à la récidive et à la rétention de sûreté participent à cette restauration de la confiance. Les juges disposent désormais d’outils efficaces pour lutter contre la récidive. Les criminels les plus dangereux seront mieux suivis. C’est par des mesures concrètes que les Français retrouveront confiance en leur justice.

C'est aussi pour cela que le décret du 13 novembre 2007 a créé le juge délégué aux victimes . Ce juge est en place dans toutes les juridictions depuis le 2 janvier. Il a déjà été saisi par près de 400 personnes.

L'autorité judiciaire veille à l'information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute la  procédure pénale. C’est un principe qui figure en tête de notre code de procédure pénale. Ce principe doit se traduire dans la réalité des faits. Il doit avoir du sens.

Une victime doit pouvoir obtenir facilement une réponse sur les modalités de versement de l’indemnisation qui lui a été accordée. Elle doit pouvoir saisir facilement l’autorité judiciaire du non respect par la personne condamnée des obligations mises à sa charge. Elle doit bien évidemment être informée des suites données à sa plainte. Ce sont des attentes légitimes.

Le JUDEVI permet à la victime de mieux faire valoir ses droits.

Ce juge n’accompagnera pas les victimes dans leurs démarches. C'est votre rôle : vous le remplissez avec beaucoup de professionnalisme et d'humanité.

Il s’appuiera évidemment sur votre expérience et votre compétence unique. Il aura besoin de tout votre soutien dans l’accomplissement de sa mission.

Fort de cet appui, il mettra en place une véritable politique d’aide aux victimes en liaison avec les parquets. Son rapport annuel sera le reflet des efforts réalisés par la juridiction dans le traitement des victimes.

Le rôle de la justice ne s'arrête pas à la porte de l'audience. Il ne suffit pas d’obtenir un jugement allouant une indemnité. Il faut pouvoir percevoir ces sommes. Toutes les victimes ne relèvent pas de la compétence de la CIVI. L’indemnisation devient une nouvelle épreuve. Les victimes ignorent parfois les procédures à mettre en œuvre. Bien souvent ces procédures sont en plus à leur charge. Il est difficile d’être payé quand l’auteur des faits est inconnu ou insolvable. Les victimes ne veulent pas se lancer dans un nouveau combat. Elles renoncent à leur indemnisation. Cette situation n’est pas tolérable.

L’institution judiciaire doit se sentir comptable de l’indemnisation des victimes. Elle ne doit plus les abandonner après le procès.

La mise en place du service d’assistance au recouvrement des victimes d’infractions (SARVI) a été adoptée, en première lecture , et à l’unanimité par l’Assemblée Nationale et le Sénat.

Le système est simple. Il est très favorable aux victimes. Il sera efficace.

Simple, parce qu’il suffira pour la victime de demander l’intervention du Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI). La victime lui communiquera simplement le jugement rendu par la juridiction.

Très favorable, parce que le fonds pourra verser d’emblée le montant de l’indemnisation, dans la limite de 1000 euros. Nous savons tous que de très nombreuses décisions portent sur des sommes de l’ordre de 500 ou 800 euros; il s’agit donc d’une amélioration considérable. Au-delà, une provision pourra être versée, jusqu’à 3000 euros.

Efficace, parce que le fonds de garantie mettra son expérience au service de toutes les victimes.

Je m’emploierai à ce que ce texte soit définitivement adopté par le Parlement dans les plus brefs délais.

Vous avez bien voulu rappeler, Monsieur le Président, l’existence de la circulaire du 9 octobre 2007 relative aux droits des victimes dans le procès pénal et à leur mise en oeuvre. Il s’agit effectivement d’un texte auquel j’attache une importance toute particulière. Il appelle à la mobilisation de toute l’institution judiciaire pour assurer la pleine effectivité aux droits reconnus progressivement aux victimes. Les dispositions législatives existantes en faveur des victimes sont nombreuses. Les bonnes pratiques et les initiatives innovantes, aussi : je l’ai constaté au cours de mes déplacements sur le terrain. Il faut en assurer à la fois la diffusion et la généralisation. Vous le savez, j’ai demandé un bilan de la mise en œuvre de cette circulaire pour le 30 juin prochain. Vous serez bien évidemment associés à cette remontée d’informations.

Les effets de ces différentes réformes en faveur des victimes seront démultipliés grâce au formidable travail que les associations effectuent sur le terrain.

*

Je tiens à rendre hommage au travail remarquable que le réseau fédéré par l'INAVEM effectue au quotidien, dans le domaine de l'aide aux victimes et de la médiation.

Ce sont les associations que les victimes viennent voir au sortir du commissariat ou de l'hôpital. Ce sont les associations qui sont mobilisées par les parquets, en urgence pour une situation difficile.

Je souhaite à cet égard remercier l’association VIA 74 pour son exceptionnelle réactivité à la suite de l’accident entre un TER et un car scolaire à Mésinges le 2 juin dernier. Sept enfants ont trouvé la mort. Je réunirai samedi prochain à Thonon l’ensemble des familles des victimes pour les informer du déroulement de l’enquête et de la mise en oeuvre de leurs droits.

L'action des associations est complémentaire de l'oeuvre de Justice. Elle doit être valorisée.

En 2008, j'ai obtenu que le budget de l'aide aux victimes soit augmenté de près de 15%. Mais il faut aller plus loin.

C’est pourquoi j’ai demandé à mes services de réfléchir au développement du partenariat public-privé . Des contacts ont déjà été pris tant avec le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et avec la Caisse des Dépôts.

La justice a besoin de structures associatives renforcées et réaffirmées dans leur intervention.

Dans cet esprit, j’ai décidé la création d’un groupe de travail pour la définition d’un schéma d’intervention des associations du secteur péna l. Il couvrira les secteurs de l’aide aux victimes, des activités pré-sententielles et des alternatives aux poursuites. Ce travail, conduit par le Service de l’Accès au Droit et à la Justice se fera en commun avec votre Fédération et Citoyens et Justice . La qualité sera atteinte par une mise en commun des ressources, une adaptation des structures. M. Leschi, nouveau chef de ce service, est à votre disposition dès maintenant pour aborder ce sujet avec vous.

Parallèlement, j’ai demandé au ministère du budget de revaloriser la tarification des mesures alternatives aux poursuites et des compositions pénales . Cette revalorisation est attendue, je le sais, par les associations qui effectuent des médiations pénales. Elle se justifie pleinement.

Dès l’accord du ministère du Budget obtenu, je demanderai par circulaire aux parquets généraux de privilégier le recours aux associations dans la mise en œuvre de certains types de mesures alternatives , pour lesquels il m’apparaît que l’intervention associative, par sa formation et son professionnalisme, est la plus adaptée. C’est le cas notamment bien sûr de la médiation pénale.

Par ailleurs, les services de la Chancellerie et du ministère du budget examinent la faisabilité d’un paiement global et anticipé des frais de justice en début d’année, pour les associations mettant en œuvre des mesures alternatives aux poursuites.

Enfin, nous devons réfléchir tous ensemble à une labellisation des associations d’aide aux victimes . Je sais que cela répond à une attente forte des associations. Elles verraient leur légitimité et leur action renforcées.

Le réseau associatif a beaucoup évolué ces dernières années. Les réalités du terrain aussi. Le Conseil National de l’Aide aux Victimes (CNAV) doit se moderniser pour prendre en compte la diversité et les compétences des associations.

J’annoncerai à la rentrée de septembre une profonde réforme du CNAV. Il inclura davantage d’associations de victimes, de personnes qualifiées et d’autorités indépendantes. Je  souhaite aussi renforcer sa force de proposition et son caractère opérationnel. Consulté sur toute proposition de modification législative ou réglementaire concernant l’aide aux victimes, il assurera la coordination interministérielle de l’action du Gouvernement en faveur des victimes.

Vous l’avez compris, c'est une véritable refondation du rôle des associations que je veux développer tant au niveau central qu'au niveau local.

Vous disposez pour cela d’un interlocuteur privilégié au sein de la cour d’appel : le magistrat délégué à la politique associative et à l'accès au droit (MDPAAD).

La semaine dernière, j’ai réuni tous les procureurs généraux et les procureurs de la République. Je leur ai demandé de veiller à donner à ce magistrat de véritables moyens d'intervention. Il doit être le pivot de la politique associative au sein de chaque cour d’appel.

Il lui appartient en effet de coordonner les actions des associations, de veiller à la qualité de leur intervention et d’être leur interface avec la Chancellerie en cas de difficulté.

Les magistrats délégués à la politique associative sont à la disposition des associations.

Vous avez, Monsieur le Président de l’INAVEM, un rôle fondamental à jouer pour coordonner et rendre chaque jour plus efficace, l'action des associations partenaires de la Justice. Vous portez avec force les attentes du réseau que vous fédérez.

Je sais pouvoir compter sur vous et sur l'ensemble des membres du réseau pour avancer rapidement sur ces chantiers. Les relations de confiance approfondies et suivies que nous entretenons sont un gage de réussite.

*

Je souhaite, devant vous, évoquer un autre projet qui me tient à cœur : celui de la généralisation à nos partenaires européens du dispositif « Alerte Enlèvement  ».

Ce dispositif, vous le connaissez puisque vous y êtes largement associés. Il permet de diffuser très rapidement des informations précises relatives à l'enlèvement d’un enfant mineur. Grâce à la mobilisation des médias et le recours à de nombreux moyens de communication, les messages diffusés touchent l’ensemble de la population de notre territoire.

Depuis sa création en 2006, ce plan a déjà été mis en œuvre avec succès à 6 reprises.

 

En lien avec la Commission Européenne, j’ai engagé une réflexion sur la généralisation du plan « alerte enlèvement ».

Il s’agit de définir les conditions et les modalités d’un déclenchement transfrontalier des dispositifs nationaux.

Cette approche européenne est indispensable en cas d’enlèvement de mineurs avec suspicion de franchissement de frontière.

 

J’ai choisi de faire de ce projet une de mes priorités de la présidence française de l’Union européenne.

 

En ce moment même, se déroule à Lille un exercice de déclenchement transfrontalier du plan « alerte enlèvement ». C’est une initiative française à laquelle participent les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg.

Cet exercice mobilisera les services de police et les autorités judiciaires transfrontaliers de nos quatre pays. Cinq autres pays participent en tant qu’observateurs : l’Espagne, le Portugal, l’Allemagne, la Suède et la République Tchèque.

Nous attendons beaucoup de cet exercice, notamment en termes de renforcement de la coopération entre les services enquêteurs et les autorités judiciaires des différents pays de l’Union.

C’est une première de ce genre. Au cours de la présidence française, je souhaite qu’un exercice de plus grande ampleur soit organisé.

 

L’INAVEM, en tant que fédérateur national des associations d’aide aux victimes, sera associé à ce projet.

Ce travail sera bien sûr conduit conjointement à la réflexion sur la mise en place du numéro européen sur les enfants disparus, le « 116 000 ».

C’est en fait une conception française de ces dispositifs que je compte développer :

-         la contribution à l’enquête, avec « Alerte Enlèvement »,

-         la prise en charge des familles d’enfants disparus, avec le « 116 000 ».

Les deux dispositifs ne se confondent pas. Ils peuvent et doivent se compléter.

Je sais que l’INAVEM a également commencé sa réflexion sur sa participation au dispositif « 116 000 », à partir de la plate-forme « SOS Enfants Disparus », mise en place en lien avec la Fondation pour l’Enfance.

Il nous faut mener ensemble ce projet, sans crainte et dans le respect des attributions de chacun. Il faut aboutir sans tarder.

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Monsieur le Président, vous avez choisi de consacrer vos assises au thème de la Justice « restaurative ».

Vous le savez, la Chancellerie a travaillé sur cette thématique. L’INAVEM a d’ailleurs très activement participé à ces consultations.

La Justice restaurative est, en effet, une dimension nouvelle pour l’aide aux victimes.

Elle est promue par l’O.N.U., l’Union européenne ou le Conseil de l’Europe. Elle est largement pratiquée aussi bien aux Etats-Unis, en Australie, ou au Canada – je salue à cet égard les représentants des services de justice réparatrice du Québec -, que plus près de nous en Suède ou en Belgique.

La Justice restaurative met l'accent sur les conséquences de l'infraction pour les victimes et la collectivité : le traitement de la délinquance en est ainsi profondément renouvelé.

Elle confronte l’auteur à sa victime pour qu'il s’interroge sur les répercussions de son acte et son cheminement personnel au sein de la société.

Elle contribue à rebâtir le lien social rompu par l’infraction et à restaurer l'harmonie détruite par le fait délictueux. C’est un instrument efficace de lutte contre la récidive.

La France a été pionnière en la matière. Très tôt, nous avons développé la médiation victime-auteur comme une mesure alternative aux poursuites.

On peut se demander maintenant s’il faut aller plus loin. La médiation pourrait par exemple être proposée comme complément d'une peine ou comme alternative à une mesure d'indemnisation. Des mesures de médiations qui associeraient un mineur délinquant, ses parents, mais également la communauté éducative pourraient être envisagées. C’est le cas en Suède.

Le débat est ouvert.

Je forme le voeu que vos échanges au cours de ces deux journées soient le point de départ d'expérimentations et de partenariats.

Je compte sur votre énergie et l’extraordinaire créativité du monde associatif pour formuler des propositions novatrices.

Il en va de l'évolution de notre justice et du respect que nous devons aux victimes et à leurs familles.

Je vous remercie.