[Archives] Installation du pôle anti-discrimination

Publié le 27 septembre 2007

au parquet du TGI d’Ajaccio

Mesdames et Messieurs, je viens de rencontrer les magistrats et les fonctionnaires réunis en Assemblée générale. Nous avons eu une discution très libre sur tous les sujets qui leur tiennent à cœur.

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Nous avons parlé des moyens qui sont à leur disposition, des conditions d’exercice très difficiles, de leurs missions.

J’ai pu constater l’engagement de l’ensemble des magistrats et fonctionnaires et les capacités d’innovation de l’institution judiciaire en Corse.

Ma vision de la justice, que je souhaite voir partagée par tous, est proche des réalités du terrain. Il est essentiel pour moi d’entendre celles et ceux qui y sont confrontés.

Vous connaissez mon attachement à une justice qui répond aux problèmes dont souffre notre société. La discrimination est une forme de violence qui est inacceptable. 

Elle est tellement banale qu’on oublie de la voir.

Les victimes de discriminations ont bien compris qu’un appartement qui était libre ne sera pas pour elles, car le propriétaire n’a regardé que leur couleur de peau et pas leur bulletin de salaire.

Elles ont bien compris qu’un emploi irait à quelqu’un d’autre – celle qui ne risque pas de tomber enceinte, celui qui est plus jeune, mieux portant, qui ne se déplace pas en fauteuil roulant.

Je vous rappelle ces quelques faits qui doivent tous nous faire réagir.

  • une personne handicapée, à diplômes et compétences égales, a 15 fois moins de chance d’obtenir un entretien qu’une personne qui n’est pas handicapée ;
  • un homme d’origine étrangère, 5 fois moins ;
  • un homme âgé de plus de 50 ans, 4 fois moins ;
  • une mère de 3 enfants, près de deux fois moins.

La Justice est là pour réparer tout cela.

La Justice porte nos valeurs républicaines.

Celle de l’égalité, celle de l’équité.

Et lorsque nos valeurs ne sont pas naturellement respectées, il faut les imposer.

Evidemment, la justice n’est pas la seule à devoir agir contre les discriminations. Mais elle ne saurait rester silencieuse devant ce drame que vivent tous les jours des millions de Français.

La Justice a une réponse particulière à apporter aux comportements discriminatoires : c’est une réponse pénale.

Les condamnations des faits discriminatoires augmentent, et pourtant, elles ne correspondent pas encore à la réalité à laquelle se heurtent tant de nos concitoyens : sur le plan national on est passé entre 2000 et 2005, de 60 à 142 condamnations définitives.  

Qui peut croire que la discrimination ne fait que 142 victimes chaque année ?

La poursuite des faits discriminatoires connaît une évolution similaire au parquet d’Ajaccio : 5 affaires en 2005, 9 en 2006 et 4 au 31 août 2007.

Je refuse qu’une partie de la population pense que la Justice n’est pas faite pour elle, ou même pire, qu’elle est faite contre elle.

Voilà pourquoi j’ai souhaité créer dans tous les parquets français un pôle anti-discriminations. Les parquets de nos 181 tribunaux de grande instance sont désormais tous dotés d’un pôle anti-discriminations.

Le parquet d’Ajaccio a répondu présent à cette demande.

Isabelle HERBONNIERE, substitut, et Jean-Claude MENSA, délégué du Procureur de la République, sont désormais vos référents en matière de lutte contre les discriminations.

Ils coordonneront le réseau local de lutte contre les discriminations, en s’appuyant sur les associations qui connaissent bien ce problème. Je les en remercie.

Je tiens d’ailleurs à saluer l’action de l’association CORSAVEM et notamment de Madame SIMON, déléguée du procureur, qui se consacre à l’aide aux victimes. Je tiens aussi à mentionner l’association AVABASTA, qui s’occupe des conditions de vie des étrangers.

Ce travail de terrain permettra au pôle du parquet d’Ajaccio de repérer toutes les situations inacceptables : les discriminations au logement, les discriminations à l’embauche. Une réponse pénale sera apportée à ces infractions très graves.

Les forces de police et de gendarmerie jouent un rôle essentiel dans cette mission. Je remercie le Commissaire-divisionnaire NAIRESSE, et le Colonel BONNOT, qui ont bien voulu se joindre à nous.

Je veux que la Justice s’exerce pour tous, et que chacun lui fasse confiance pour protéger et défendre ceux qui en ont besoin.

J’ai confiance en la Corse pour servir de modèle en termes de lutte anti discriminations.

La République fait confiance aux Corses parce qu’elle sait à quel point le refus de la discrimination peut retentir sur une île si solidaire.

La solidarité, c’est la confiance, c’est la citoyenneté.

Cela, c’est une réalité.

La discrimination est malheureusement une autre réalité.

Je veux qu’on la fasse taire.

Au nom des valeurs communes qui nous réunissent.

Je vous remercie.