[Archives] Remise des insignes de chevalier de l'ordre national du Mérite

Publié le 04 janvier 2006

Discours : remise des insignes à Madame Virginie Parent, Laurent Barbe-Charrier, Ivan Auriel, Eric Maréchal

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Madame la Première Présidente,
Monsieur le Procureur Général,
Madame le Procureur,
Monsieur le Directeur des Services Judiciaires,
Mesdames et Messieurs les Magistrats,
Mesdames et Messieurs les Fonctionnaires,
Mesdames, Messieurs,

Nous sommes réunis pour rendre hommage à trois magistrats et à un fonctionnaire du ressort de la cour d’appel d’Angers.

Tous les quatre ont eu à connaître récemment d’un dossier pénal exceptionnel.

Exceptionnel par le nombre des victimes : 45 enfants âgés de 6 mois à 12 ans au moment des faits.

Exceptionnel, aussi, par le nombre des accusés : 72 personnes mises en examen pour des abus sexuels, 39 poursuivies pour des faits de nature criminelle, 26 poursuivies pour des délits.

Exceptionnel, enfin, par la nature des faits, qui ne peuvent laisser indifférent : agressions sexuelles, viols, incestes et proxénétisme commis par ascendant ou personne ayant autorité. Des faits sordides, des actes odieux.

Les faits se sont produits entre 1999 et 2001 dans des quartiers défavorisés d’Angers.

L’instruction de cette affaire a duré près de deux ans. Elle a été confiée à Madame Virginie Parent qui a constitué un dossier d’une qualité remarquable.

Les fonctions de greffier ont été dévolues à Monsieur Laurent Barbe-Charrier dont le sérieux du travail mérite d’être souligné.

Pendant près de cinq mois, la cour d’assises du Maine-et-Loire a eu à examiner cette affaire hors norme. La présidence en a été assumée par Monsieur Eric Maréchal qui a mené les débats de façon tout à fait exemplaire.

La parole du ministère public a été portée, durant trois jours, avec éloquence et conviction, par Monsieur Ivan Auriol.

Dans des circonstances particulièrement difficiles, vous avez contribué, tous les quatre, Madame et Messieurs, à donner une image positive de la justice.

C’est, donc, à juste titre, que j’aurai l’honneur de vous remettre, dans quelques instants, les insignes de chevalier de l’ordre national du Mérite.

Mais auparavant, je me dois, selon l’usage de retracer les principales étapes de vos parcours professionnels respectifs.

Comme ce dossier a été ouvert à votre cabinet, je commence par vous, Madame Virginie Parent, vice-présidente chargée de l’instruction au tribunal de grande instance d’Angers.

A votre sortie de l’Ecole nationale de la magistrature en 1989, vous vous destinez à exercer des fonctions au siège. Après avoir été juge d’instance pendant dix ans d’abord à Lons-le-Saunier en Franche-Comté, votre région natale, puis à Cannes, vous vous tournez vers l’instruction en 2001.

Installée au tribunal de grande instance d’Angers en septembre de cette année-là, après un quatrième congé de maternité, vous n’avez de l’instruction qu’une expérience de quelques mois lorsqu’un dossier de pédophilie qui se révèlera d’une ampleur exceptionnelle, vous est confié en février 2002.

Néanmoins, vous dirigez et vous coordonnez toute l’enquête avec un professionnalisme et une efficacité remarquables. Vous saisissez rapidement la gravité et l’ampleur de cette affaire. Calme et pondérée, vous instruisez ce dossier avec intelligence.

Vous menez l’information avec la plus grande rigueur que ce soit lors des interrogatoires, des confrontations ou des auditions.

Vous accomplissez tous les actes utiles méthodiquement et avec beaucoup de pertinence. La bonne connaissance de la procédure pénale que vous avez acquise en seulement quelques mois et votre capacité à travailler en étroite concertation avec les services enquêteurs vous permettent de surmonter toutes les difficultés.

A votre vivacité d’esprit, à votre bon sens et à votre maîtrise de soi s’ajoutent des qualités humaines qui dictent votre réflexion.

Celles-ci apparaissent nettement pendant le procès à l’occasion de la retransmission des auditions des petites victimes qui avaient été enregistrées.

Très peu d’appels ont été formés contre les décisions que vous avez été amenée à rendre. Aucun appel n’a été formé contre l’ordonnance de mise en accusation pourtant longue de 430 pages. C’est dire la qualité de l’instruction que vous avez menée et la solidité du dossier que vous avez constitué.

Tout au long de votre carrière professionnelle, mais plus particulièrement ces dernières années, vous avez manifesté des qualités qui mettent en évidence que vous êtes un magistrat de valeur.

C’est la raison pour laquelle je me félicite, Madame Parent, que vous soyez nommée chevalier de l’ordre national du Mérite.

Je poursuis avec vous, Monsieur Laurent Barbe-Charrier, greffier au tribunal de grande instance d’Angers, dont la parfaite entente avec Madame Parent a contribué au bon déroulement de l’instruction de ce dossier.

Après trois années d’études universitaires à la faculté de droit de Nantes, vous êtes reçu, le 1er juin 1982, au concours externe de greffier des services judiciaires.

A la fin de votre stage à l’Ecole nationale des greffes, vous êtes affecté à la cour d’appel d’Angers puis, à partir de 1987, au tribunal de grande instance d’Angers.

De même que vous étiez un très bon élève pendant toute votre scolarité, vous vous révélez un très bon élément dans toutes les fonctions que vous exercez. Votre travail est toujours de qualité, que ce soit au secrétariat du tribunal pour enfants, au service de l’audiencement ou bien encore dans un cabinet d’instruction.

C’est ainsi que vous êtes amené à seconder Madame Parent dès son arrivée à la cour d’appel d’Angers.

Vous êtes un précieux collaborateur. Vous possédez des connaissances étendues et même pointues en ce qui concerne l’instruction. Vous avez, également, une grande expérience des circuits administratifs.

Vous assurez le suivi des actes et vous effectuez le travail de cotations avec méthode, rigueur et sérieux. Travail minutieux mais particulièrement appréciable quand on connaît le volume de ce dossier.

Vous parvenez à faire face à cette charge de travail extrêmement lourde sans jamais sacrifier la qualité de votre travail. Vous avez, en effet, le souci du travail bien fait.
Vous savez anticiper et prendre des initiatives utiles. Enfin, vous êtes d’une rare disponibilité.

Vous avez, d’ailleurs, une haute conscience professionnelle. On peut même dire que votre sens des responsabilités est poussé à l’extrême.

En outre, vous avez un sens très développé du service public. Vous êtes particulièrement attaché à la qualité de l’accueil des justiciables et des partenaires institutionnels.

Toutes ces qualités justifient pleinement, Monsieur Barbe-Charrier, votre nomination au grade de chevalier dans l’ordre national du Mérite.

Je continue avec vous, M. Eric Maréchal, conseiller à la cour d’appel d’Angers.

Nommé auditeur de justice le 7 janvier 1983, vous exercez successivement les fonctions de juge d’instruction au tribunal de grande instance de Quimper, puis de Rennes et de juge d’instance à Saint-Nazaire.

Vous présidez ensuite le tribunal de grande instance de Basse-Terre où vous mettez en application vos aptitudes à l’encadrement.

Enfin, c’est par décret du 30 mai 2003 que vous êtes nommé conseiller à la cour d’appel d’Angers. Vous êtes affecté à la chambre des appels correctionnels et à la chambre des mineurs.

A peine êtes-vous installé que la première présidente vous demande de présider les assises. Certes, vous êtes un magistrat sérieux, travailleur et efficace. Vous possédez d’excellentes connaissances juridiques et votre expérience professionnelle est diversifiée. Mais, la présidence d’une cour d’assises exige, vous le savez, un mode de fonctionnement très particulier. Il est, en effet, impossible de relâcher ses efforts et sa concentration pendant les sessions.
Il faut maîtriser les débats, l’audience, le délibéré dans une tension permanente. Pourtant, vous acceptez.

C’est ainsi que vous êtes amené à présider la cour d’assises du Maine-et-Loire chargée de juger cet exceptionnel dossier de pédophilie alors que votre expérience se résume à quelques sessions entre décembre 2003 et octobre 2004. C’est un véritable challenge que vous vous lancez.

Vous entreprenez, donc, de vous former pour être en mesure d’assumer cette lourde responsabilité. Vous participez, ensuite, au comité de pilotage qui s’est réuni en 2003 et 2004.
Enfin, vous cessez toutes vos activités pour vous consacrer uniquement à l’étude de ce dossier.

La qualité de cette formation vous permet d’acquérir une parfaite connaissance de ce volumineux dossier et d’organiser les débats d’une manière particulièrement pertinente.

Le procès s’ouvre le 3 mars, il va donner lieu à 93 jours d’audience étalés sur 4 mois et demi. Pour protéger l’anonymat et l’intimité des jeunes victimes, la cour prononce le huis-clos partiel. 225 témoins sont cités à comparaître pour éclairer la cour sur les faits et sur la personnalité des 66 accusés.

Compte tenu du nombre des victimes, des accusés et des témoins, un dispositif spécial est mis en place pour le bon déroulement des débats. Vous distribuez même aux jurés des fiches d’identification des accusés et des victimes pour éviter toute confusion.

Entre les accusés qui nient et ceux qui accusent et dénoncent les autres, vous menez les débats dans des conditions difficiles. Néanmoins, vous les dirigez d’une manière tout à fait exemplaire depuis la pénible lecture de l’ordonnance de mise en accusation jusqu’au verdict.

Tous les commentaires, ceux des professionnels comme ceux de la presse, sont unanimes à saluer votre professionnalisme.

Vous faites honneur à la magistrature, Monsieur Maréchal, et vous méritez amplement d’être nommé chevalier de l’ordre national du Mérite.

Je termine par vous, Monsieur Ivan Auriel, substitut du procureur général près la cour d’appel d’Angers.

A votre sortie de l’Ecole nationale de la magistrature, vous exercez les fonctions de juge d’instruction à Béthune, puis à Angers.
Vous instruisez les dossiers avec soin et d’une manière efficace, allant à l’essentiel avec intelligence et compétence.

Vous êtes, ensuite, nommé procureur de la République à Bressuire, puis à Niort en juillet 2000. Magistrat de valeur, dynamique, organisé, efficace, loyal et sûr, vous êtes tout à fait conscient du rôle que le ministère public doit jouer dans la vie citoyenne.

En août 2002, vous rejoignez la cour d’appel d’Angers comme substitut général. Vous y êtes chargé principalement du service correctionnel. Vous assumez, également, diverses fonctions dont le ministère public aux assises.

Dès votre désignation dans l’affaire dite des pédophiles d’Angers, vous étudiez de façon approfondie ce complexe et volumineux dossier de près de quarante mille cotes. Méthodique, déterminé et avisé, vous maîtrisez l’action publique et vous organisez l’accusation.

Enfin, après 17 semaines d’audience, le réquisitoire commence. Il va durer trois jours en raison du nombre important des accusés.

Jouissant d’une autorité naturelle, vous vous montrez ferme et convaincant, allant jusqu’à stigmatiser la lâcheté de certains accusés retranchés dans le silence. Vos réquisitions sont pertinentes, claires et motivées.
Le verdict tombe, il est sévère mais équilibré. Les jurés ont suivi, dans l’ensemble, vos réquisitions.

Vous avez contribué, Monsieur Auriel, à ce que le traitement de ce dossier soit exemplaire. Votre nomination au grade de chevalier dans l’ordre national du Mérite se justifie pleinement.

Madame et Messieurs, les enjeux de cette affaire étaient importants pour l’institution judiciaire. Dans des fonctions extrêmement difficiles, vous avez su répondre aux attentes de l’institution judiciaire.

Les résultats sont là. La Justice a su être présente à ces rendez-vous. Et vous avez contribué à améliorer l’image de la Justice

Je tiens à vous remercier sincèrement pour ce que j’ose appeler « des succès de la Justice ». C’est grâce à vous, à votre travail épuisant et acharné, à votre conscience professionnelle et à votre esprit d’équipe que cette réussite a été rendu possible.

La réussite de ce procès est cependant une réussite collective et j’entends rendre hommage à tous ceux et celles qui ont participé à l’œuvre de justice.
Je ne voudrais pas oublier également le rôle de Monsieur Hervé LOLLIC, Vice-procureur, de Monsieur Pascal FAU, Conseiller à la Cour d’Appel d’Angers et de Madame Claire DESGREES du LOU – MAILLARD, bâtonnier de l’ordre des avocats d’Angers, qui ont, chacun dans leur domaine, rendu un très grand service à la Justice.

Pendant plus de deux ans, vous vous êtes investis dans un dossier matériellement très lourd. Vous l’avez fait avec compétence et détermination.

Ce dossier était, aussi, très lourd à porter psychologiquement. Vous avez su faire face avec beaucoup de courage et de persévérance.

J’ai, donc, souhaité que vous receviez un témoignage de reconnaissance pour la qualité du travail que vous avez accompli. Il justifie l’attribution de l’ordre national du Mérite dont j’ai l’honneur de vous remettre maintenant les insignes de chevalier en présence de vos familles respectives que je tiens absolument à associer à cet hommage.

Virginie Parent, au nom du Président de la République, nous vous faisons chevalier de l’ordre national du Mérite.

Laurent Barbe-Charrier, au nom du Président de la République, nous vous faisons chevalier de l’ordre national du Mérite.

Ivan Auriel, au nom du Président de la République, nous vous faisons chevalier de l’ordre national du Mérite.

Eric Maréchal, au nom du Président de la République, nous vous faisons chevalier de l’ordre national du Mérite.