Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureux de vous présenter aujourd’hui les projets de réforme de la justice qui seront adoptés, ce matin, en conseil des ministres.
1 – Je m’étais engagé à ne pas laisser l’affaire OUTREAU sans réponse. C’est le sens de cette réforme.
Il y a moins d’un an, 13 innocents retrouvaient leur honneur. Certains avaient passé plusieurs années en détention provisoire.
Depuis le début de l’année, des propositions précises ont été avancées tant par la commission d’enquête parlementaire que par les organisations professionnelles de magistrats, d’avocats et de policiers. Je les ai écoutées et j’ai tenu compte de certaines remarques en modifiant mon projet.
Il est désormais de ma responsabilité de présenter une réforme qui fasse la synthèse de cette réflexion et qui soit la première étape de la rénovation de notre justice. Elle permettra ainsi d’éviter une nouvelle affaire OUTREAU.
J’ai voulu que la réforme de la justice soit le résultat de points d’accords acceptés par la majorité des Français et des professionnels de la justice.
Elle donne lieu au dépôt de trois projets de loi sur la procédure pénale, la formation et le régime disciplinaire des magistrats et la saisine du Médiateur de la République.
2 – J’ai voulu proposer une réforme de la procédure pénale permettant de renforcer les droits de la défense.
L’affaire Outreau nous a montré que l’équilibre entre les droits de la défense et l’efficacité de la procédure nécessitait d’être repensé.
A - La justice dot être plus transparente. C’est la condition de sa crédibilité.
Ce souci de transparence se concrétise au-travers de deux mesures :
Même s’il est indéniable que les deux phases de la procédure sont sensiblement différentes, en raison notamment de la présence des avocats et d’un greffier authentifiant les interrogatoires pendant l’instruction, j’ai pu constater lors de mes déplacements à l’étranger, notamment en Grande-Bretagne, que ces mesures étaient très bien acceptées, bien qu’il y ait eu de longs débats au moment de leur adoption.
En effet, elles sont protectrices pour ceux qui recherchent la vérité. Il m’a donc semblé indispensable de protéger autant les juges d’instruction que les enquêteurs des services de police et de gendarmerie.
B – Cette réforme permettra de réduire les détentions provisoires excessives.
La détention provisoire doit être exceptionnelle. Surtout, elle doit être limitée à la durée strictement nécessaire à ses objectifs.
Le projet de loi prévoit donc que :
C – En outre, cette réforme permettra de lutter contre la solitude du juge d’instruction.
Le projet de loi a pour but de favoriser le travail collégial des magistrats, garantie d’efficacité et d’impartialité pour les justiciables.
Tous les Tribunaux de Grande Instance conserveront un juge d’instruction, compétent pour les affaires correctionnelles simples. Par ailleurs quel que soit l’endroit où l’affaire sera instruite, elle sera jugée par la juridiction initiale.
D – Cette réforme renforcera les droits de la défense.
Le principe du contradictoire sera renforcé pendant les expertises qui, comme vous le savez, n’ont pas rempli leur rôle pendant l’affaire Outreau.
La clôture des informations sera, elle aussi, plus contradictoire.
E – Cette réforme améliorera la protection des mineurs victimes
3 – J’ai souhaité également moderniser la formation et le régime disciplinaire des magistrats.
Le projet de loi organique comporte trois mesures principales.
En effet, il est indispensable de s’assurer, préalablement à sa nomination et quel que soit son mode de recrutement, de l’aptitude du magistrat à l’exercice de ses fonctions. Ce n’est pas aujourd’hui le cas pour tous les nouveaux magistrats.
Ecarter un magistrat de l’exercice de fonctions à juge unique, pour l’avenir et pour une durée déterminée, est nécessaire lorsque les fautes disciplinaires commises établissent la nécessité qu’il exerce ses fonctions au sein d’une formation collégiale
Cette interdiction concernera non seulement les fonctions spécialisées (juge d’instruction, juge de l’application des peines ou juge des enfants,) mais aussi les attributions à juge unique d’un magistrat du siège (juge aux affaires familiales, ou présidence d’une audience correctionnelle à juge unique).
Cette disposition permettra de l’écarter sans délai, tout en respectant ses garanties statutaires.
Mettant en cause le risque d’atteinte aux principes de séparation des pouvoirs et d’indépendance de l’autorité judiciaire, le Conseil d’Etat a disjoint cette disposition. Elle ne pouvait donc pas figurer telle quelle dans le projet de loi. Je souhaite mettre à profit le temps qui nous sépare de la discussion parlementaire pour parvenir à une rédaction qui réponde aux objections de la haute juridiction administrative. Un amendement sera déposé au Parlement pour compléter le projet de loi.
4 – Je veux enfin créer une nouvelle voie d’accès au Médiateur de la République pour les justiciables.
Il n’existe pas aujourd’hui d’autorité extérieure à l’institution judiciaire habilitée à recueillir, examiner et donner suite aux réclamations des justiciables sur les dysfonctionnements de l’institution judiciaire liés au comportement des magistrats.
Ce projet donne la possibilité au Médiateur de la République d’être saisi de réclamations émanant de toute personne qui s’estime lésée par de tels dysfonctionnements de la justice.
Le Garde des Sceaux fera connaître au Médiateur de la République les suites qu’il entend donner à cette réclamation, en saisissant le cas échéant l’Inspection Générale des Services Judiciaires ou le Conseil Supérieur de la Magistrature.
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Cette réforme s’appliquera progressivement :
Le projet de loi ouvrant la possibilité aux justiciables de saisir le médiateur entrera en vigueur dès sa publication.
Le projet de loi organique portant sur la formation et la responsabilité des magistrats entrera en vigueur trois mois après sa publication.
Le projet de loi renforçant l’équilibre de la procédure pénale entrera en vigueur trois mois après son adoption.
Cependant :
Cette réforme sera financée.
Le coût précis de la réforme de la justice ne pourra être établi qu’à l’issue de l’adoption des textes de loi et du calendrier de sa mise en œuvre. Les estimations fournies par mes services ne nécessiteraient cependant qu’une augmentation de 30 millions d’euros du budget du ministère de la Justice.
Cette évaluation prévoit la création de 70 emplois nouveaux de magistrats pour les pôles et les chambres de l’instruction ainsi que 102 emplois de personnels de greffe. Elle inclut également les coûts immobiliers induits par la création de ces pôles.
J’ai, en outre, demandé que la réforme soit accompagnée d’une amélioration de la situation indemnitaire des personnels concernés.
Je demanderai au Parlement un budget renforcé, à la hauteur de cet enjeu.
Je vous remercie de votre attention et je suis prêt à répondre à vos questions.