[Archives] Présentation du dispositif Amber Alerte et remise du Rapport

Publié le 29 novembre 2005

Discours de Pascal Clément, ministre de la Justice, garde des Sceaux

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Messieurs les Présidents et Directeurs d’organes de presse,
Monsieur le Directeur,
Mesdames et Messieurs les représentants d’associations de victimes,
Mesdames et Messieurs,

Comme vous tous, j’ai appris avec un immense soulagement le retour de la jeune AURELIA BOISSEAU auprès de ses parents, après son enlèvement, à proximité de son domicile de Jallais, dans le Maine et Loire.

La décision de déclencher la diffusion massive d’un message d’alerte a contribué de toute évidence au dénouement heureux de cette affaire.

J’ai souhaité appeler les parents d’Aurélia pour les féliciter d’avoir accepté le déclenchement de cette opération et leur dire que la Justice mettrait tout en œuvre pour trouver le ou les ravisseurs.

Car l’angoisse que ressentent les parents dans une telle situation est indéfinissable.

Dès dimanche soir, j’avais donné mon accord pour l’utilisation d’Amber Alerte.

C’est la première fois qu’un tel système est appliqué en France.

L’ensemble des médias a été mobilisé, dans les premières heures de l’enlèvement, pour diffuser la photo de la victime ainsi que les éléments d’identification de l’auteur. D’abord de sa voiture puis son portrait robot.

Depuis cette date l’enquête a progressé à un rythme soutenu et une instruction est désormais ouverte.

Je tiens à saluer aussi la réactivité du parquet d’Angers et des services d’enquête.

Le procureur de la République a immédiatement mis en œuvre, avec un grand professionnalisme, toutes les mesures utiles pour permettre de retrouver l’enfant et d’élucider cette affaire en un temps très limité.

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Je voudrais détailler la genèse et le fonctionnement de cette procédure nouvelle.

Depuis plusieurs années, lorsque se produit un enlèvement, les parents se trouvent souvent dans l’obligation de diffuser eux même, souvent plusieurs jours après les faits, une photographie de leur enfant dans les lieux publics ou sur des supports improvisés.

Ils utilisent aussi des sites internet réalisés par des familles ou des associations d’enfants disparus.

Je veux saluer ici la détermination de ces parents qui consacrent leur existence à la recherche de leur enfant. Ils font preuve d’un très grand courage.

Régulièrement, les services de la chancellerie reçoivent leurs demandes et y répondent en lien avec les associations d’aide aux victimes.

Mais l’idée de mettre en œuvre une procédure plus efficace dés les premières minutes de l’alerte revient à Madame Nicole Guedj, ancienne Secrétaire d’Etat aux Victimes.

Lors d’un voyage au Canada, auquel j’avais d’ailleurs participé en tant que Président de la commission des lois, la présentation de cette procédure nous avait fortement impressionné.

Un groupe de travail avait été constitué l’an passé sur le système « AMBER ALERTE ». Ce nom provient de l’affaire de l’enlèvement d’Amber HAGERMAN au TEXAS, en 1996.

Dans cette affaire, la fillette qui jouait à proximité de chez elle avait été enlevée devant un témoin qui avait pu donner l’alerte et décrire le ravisseur et son véhicule.

Cette affaire avait incité la population et les autorités locales à mettre un plan d’urgence en cas d’enlèvement d’enfant.

La Mission du groupe de travail était donc d’étudier la faisabilité et l’opportunité de créer en France un système d’alerte comparable.

Les travaux ont débuté le 15 décembre 2004.

Le groupe était composé de représentants de la chancellerie, de magistrats des juridictions, de représentants du ministère des transports, d’officiers de police et de gendarmerie, du bureau juridique de l’audiovisuel, des représentants du CSA, de l’association APEV (association aux parents d’enfants victimes), et enfin de représentants de la Société Française d’autoroutes.

Le travail a été assidu, mais chacun partageait ce triple constat.

  • Il faut être réactif dans ces affaires si délicates.
  • Il convient de mobiliser en quelques heures des moyens considérables pour diffuser massivement l’identité de l’enfant victime.
  • Il faut toucher directement les témoins potentiels, dans leur environnement quotidien, c’est-à-dire chez eux, dans leur voiture ou dans les commerces dans lesquels ils se rendent.

C’est seulement ainsi que les services de police et de gendarmerie peuvent obtenir très rapidement des informations pertinentes.
C’est ainsi que les auteurs de l’infraction comprennent que la France se mobilise et qu’il n’y aura pas d’impunité.

Je voudrais saluer la présence aujourd’hui des personnes qui ont collaboré à ce travail. Ils voient aujourd’hui leurs efforts récompensés et je les remercie de leur engagement.

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Nous sommes passés brutalement en quelques heures de la théorie à la pratique et j’entends tirer immédiatement les enseignements de l’affaire de Jallais.

Certes, il faut un système d’alerte défini à l’avance en cas d’urgence. Mais il faut aussi s’adapter au cas d’espèce.

C’est exactement ce qui a inspiré notre action de dimanche dernier.

Nous avons agi avec souplesse et pragmatisme.

Quelles sont alors les mesures que nous souhaitons étendre à la lumière de ces évènements ?

Je souhaite tout d’abord le renforcement et l’extension du système d'alerte.

Je considère que l’alerte ne doit être déclenchée que lorsque certains critères sont réunis.

  • Si l’enlèvement est avéré, et non pas en cas d’une simple disparition ;
  • Si l’intégrité physique ou la vie de la victime est en danger ;
  • Si des éléments d’informations permettent de localiser l’enfant ou son ravisseur ;
  • Enfin, si la victime est mineure.

Dans tous les cas, ce système ne sera déclenché que s’il est adapté au cas d’espèce et surtout si la famille l’approuve. Il ne peut être systématique.

Je préconise que le déclenchement de l’alerte soit décidé par une autorité judiciaire, plus précisément par le procureur de la République, après consultation des membres d’une cellule de crise ad hoc.

Le message d’alerte doit être simple, précis et solennel. Il doit être validé par le magistrat ayant ordonné son déclenchement.

Il doit être modifiable et indiquer un numéro de téléphone aisé à retenir.

La diffusion de l’alerte au niveau local doit être massive et immédiate. Elle doit ensuite être relayée au niveau national.

Elle doit passer par les chaines de télévision, les stations de radios, ainsi que par les agences de presse.

Les panneaux à messages variables situés le long des principales routes et dans les gares doivent permettre de diffuser un message bref. Les usagers des transports seront alors incités à écouter une station de radio qui, elle, diffusera l’intégralité du message d’alerte.

Je préconise la diffusion du message auprès d’un représentant unique des associations d’aide aux victimes.

Je souhaite également élargir les possibilités de diffusion du message d’alerte grâce à d’autres moyens.

Nous pourrions par exemple adresser des SMS sur les téléphones portables ou encore utiliser les panneaux à messages variables des municipalités.

N’oublions pas également que la France joue un rôle majeur dans la coopération pénale internationale.

Il faut donc prévoir un signalement dans l’espace Schengen et une diffusion du message aux 180 magistrats du réseau judiciaire Européen. Car les ravisseurs d’enfants sont capables en quelques heures de quitter le territoire national, notamment bien sûr lorsque l’enlèvement a lieu dans une zone frontalière.

Je ferai prochainement des propositions à nos partenaires européens sur la coordination de nos dispositifs d’alerte.

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Nous devons maintenant systématiser cette procédure. Il nous faut l’étendre pour mettre à la disposition des parquets, des juges, des enquêteurs et des médias les instruments facilitant sa mise en œuvre.

Il est temps maintenant de finaliser un protocole technique clair et précis organisant les relations entre les enquêteurs et les organismes de diffusion.

J’ai souhaité associer les médias à cette réunion pour que nous nous engagions ensemble dans la rédaction de ce protocole d’accord.

C’est par votre intermédiaire que l’information peut toucher le plus grand nombre de témoins potentiels. C’est grâce à vous que nous pourrons réussir à retrouver des enfants dans un délai très court.

Je voudrais donc vous faire deux propositions :

  • A l’AFP tout d’abord, acceptez-vous de diffuser la photo et le message d’alerte, ainsi que de l’accompagner d’un bulletin pour alerter toute la presse ?
  • A la presse audiovisuelle ensuite. Acceptez-vous d’interrompre vos programmes pour diffuser une photo et un message, ou de faire passer un bandeau d’alerte ?

Je sais que ces contraintes sont importantes. C’est pour cela que j’ai souhaité connaître votre avis. Mais je sais aussi qu’elles permettent de sauver des vies.

Les sociétés de transport ont également un rôle à jouer. Je souhaite que le protocole porte sur la mise à disposition de supports visuels, tels que des panneaux lumineux sur les autoroutes par exemple, afin de diffuser le message d’alerte.

Je vous donne rendez vous ici même le jeudi 12 janvier pour la signature officielle de ce protocole.

Un comité de suivi et d’évaluation de ce dispositif sera également mis en place.

Un guide méthodologique sera également diffusé pour que chaque procureur et chaque enquêteur consulte en un instant les actes à accomplir dans l’urgence.

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Je voudrais en outre souligner que cette affaire permet aussi de démontrer que la Justice peut être rapide et moderne.

Mais elle démontre aussi que la Justice est efficace quand elle travaille main dans la main avec « tous les acteurs de la cité ».

Elle démontre enfin qu’elle sait donner à la victime une véritable place dans la recherche de la vérité.

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Mesdames et Messieurs,

Nous devons lutter contre les prédateurs qui enlèvent et séquestrent les plus vulnérables d’entre nous.

Tous ensembles, nous devons lutter contre ce fléau qui peut plonger en instant une famille entière dans la pire des angoisses.

Le dispositif Amber Alerte y contribuera.

Soyez assurés que la Justice reste mobilisée.

Je vous remercie de votre attention.