[Archives] 99ème congrès des notaires à Deauville

Publié le 25 mai 2003

Discours du garde des Sceaux

Temps de lecture :

17 minutes

Monsieur le Président du Conseil Supérieur du Notariat,
Monsieur le Président du Congrès,
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,

Huit mois après notre première rencontre à Cannes, c'est avec un très vif plaisir que je retrouve aujourd'hui les notaires.

  • Plaisir de voir le chemin parcouru.

Vous l'avez rappelé, Monsieur le Président, nous avons beaucoup avancé ensemble en ces quelques mois.

  • Plaisir de vous voir si nombreux ici. C'est là le témoignage du dynamisme de votre profession, de sa volonté d'aller de l'avant.
  • Plaisir, Monsieur le Maire, d'être dans ce cadre si prestigieux dont vous pouvez être fier avec raison, avec Mme D’ORNANO.
  • Plaisir d'avoir pu en vous écoutant, Monsieur le Président, voyager avec vous quelques instants dans le temps et dans l'espace.

Il m’arrive souvent d’aller à la rencontre des magistrats et des fonctionnaires dans les Palais de Justice, visitent les établissements pénitentiaires, inaugurent les maisons de justice. Il ne leur avait pas encore été donné l’occasion de s'introduire dans l'intimité d'un office notarial. C'est maintenant chose faite.

  • Plaisir enfin de voir le soin avec lequel, comme à l'accoutumée, les travaux du congrès ont été préparés. J'adresse à mon tour mes plus vives félicitations à leurs organisateurs, et en premier lieu, au Président JACQUET.

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I – J'en viens maintenant au thème que vous avez retenu : « la vente d'immeuble : sécurité et transparence »

En renouant avec un thème que vous n'aviez pas abordé globalement depuis plus de 20 ans, vous n'entendez pas, et je l’ai bien compris, vous placer seulement dans une perspective historique.

Chacun sait combien, depuis votre congrès de Montpellier en 1981, le contrat de vente immobilière a profondément évolué.

Il n’est plus la simple rencontre de volontés présumées égales où il appartient à l’acheteur de faire preuve de « curiosité juridique » à l’égard d’une offre dont l’ensemble des composantes ne sont pas toujours perceptibles.

Il pèse désormais sur le vendeur une obligation d’information que rappellent de nombreux textes législatifs et réglementaires.

Cette évolution ne saurait étonner : elle est l’illustration de la place croissante du consumérisme dans notre société comme dans les pays qui nous entourent.

Mais cette évolution, pour protectrice qu’elle soit, a une contrepartie : elle conduit à une dispersion des textes, à une plus grande complexité des règles, à une lourdeur des démarches et à un coût souvent plus élevé des actes.

Aussi, je vois à travers le thème que vous avez choisi et les propositions formulées par vos commissions, le souci plus global d’un système juridique plus simple, plus sûr, plus compréhensible et donc plus proche de nos concitoyens.

Ce souci, je le partage.

Oui, notre droit, notre justice doivent répondre à ces deux conditions que vous avez mises en exergue : « la sécurité et la transparence».

J’ai essayé d’appliquer ces principes dans les réformes que j’ai menées jusqu’ici, qu’il s’agisse des options de fond ou des méthodes de travail retenues.

Je continuerai bien sûr dans cette voie, notamment dans plusieurs chantiers du droit immobilier sur lesquels je souhaite pouvoir avancer au cours des prochains mois, en liaison bien sûr avec le ministère de l’équipement et du logement.

1 - Il en va d’abord ainsi du droit de la copropriété des immeubles bâtis.

Dans l’immédiat, le projet de décret modifiant celui du 17 mars 1967 est en voie de finalisation. Le Conseil d’Etat devrait en être saisi très prochainement.

Mais je crois, plus globalement, qu’une réflexion serait opportune sur l’évolution du statut de la copropriété et sur la loi du 10 juillet 1965.

A l’évidence, les copropriétés d’il y a quarante ans ne sont plus les mêmes que celles d’aujourd’hui.

J’ai d’ores et déjà demandé à la commission relative à la copropriété, qui siège à Chancellerie, de se pencher sur le problème spécifique des résidences services.

2 - Une réforme de la réglementation des agents immobiliers est également nécessaire. La modernisation de la loi HOGUET est en cours dans le cadre du train d’ordonnances que le Gouvernement prendra dans les prochains mois au titre des simplifications administratives.

3 - La réforme des baux d’habitation est elle aussi entamée et la Chancellerie élabore actuellement avec le ministère de l’équipement et du logement, les textes relatifs à la sortie progressive des locaux soumis à la loi de 1948 ainsi que le texte d’actualisation du décret de 1987 sur les charges locatives récupérables. Il s’agit là des préoccupations très concrètes de nos concitoyens.

4 - Enfin, je souhaite pouvoir réfléchir sur le statut des baux commerciaux. La technicité excessive de cette législation est génératrice d’incompréhensions et de contentieux et les contraintes qu’elle fait peser sur les propriétaires ne sont pas sans conséquence néfaste sur l’investissement dans l’immobilier commercial.

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Mais je voudrais revenir au cœur du thème de votre congrès : « la vente d’immeuble ».

1 - Je tiens d’abord à répondre à une interrogation du rapporteur général, Maître LARRALDE, sur la transposition de la directive du 25 mai 1999 relative à certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation.

Cette directive, vous le savez, fusionne l’action en garantie de conformité et celle pour défaut de sécurité.

Le texte devait être transposé avant le 1er janvier 2002. A cette fin, le précédent Gouvernement avait mis en place un groupe de travail présidé par le Professeur Geneviève VINEY. Celui-ci avait opté pour une modification globale des dispositions du code civil relatives à la délivrance de la chose conforme et à la garantie des vices cachés.

J’ai engagé sur ce sujet, depuis un an, une très large consultation qui me conduit aujourd’hui à m’orienter vers une voie plus restreinte et plus proche de l’esprit de la Directive, axée sur la protection des consommateurs en matière de vente de biens de consommation.

Dans cette mesure, le texte de transposition sera inséré dans le code de la consommation et les biens immobiliers en seront exclus.

2 - J’en viens maintenant à l’obligation d’information en matière de vente d’immeuble.

Pas moins de six textes législatifs ou réglementaires ont développé ces dernières années le contenu de cette obligation, qu’il s’agisse de la présence d’amiante, de plomb, de termites ou encore de la superficie des lots de copropriété.

Je n’oublie pas le projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques et naturels actuellement en débat au Parlement. Il crée une nouvelle obligation d’information pour le vendeur d’immeuble situé dans une zone couverte par un plan de prévention de ces risques.

Il ne saurait bien sûr être question de remettre en cause la pertinence de ces textes qui visent à protéger la santé des personnes. Mais ces dispositions éparses et variées ne sont sans doute pas le moyen le plus simple et le plus efficace pour répondre aux exigences de sécurité et de transparence.

C’est pourquoi Gilles de ROBIEN et moi-même, travaillons à un texte global instituant un diagnostic technique du bâtiment qui devrait être intégré dans le futur projet de loi « habitat ».

La place de ce texte dans le code civil ou dans le code de la construction et de l’habitation, fera bien sûr l’objet d’un examen attentif.

Mais l’obligation d’information n’est pas le seul instrument de protection consumériste.

3 - Le processus même de formation du contrat de vente d’immeuble s’est modifié et diversifié.

La rédaction de l’article L 271-1 du code de la construction et de l’habitation, issu de l’article 72 de la loi SRU du 13 décembre 2000 en est une illustration.

Cet article, qui préoccupe votre profession, instaure, au profit de l’acquéreur non-professionnel d’un immeuble destiné au logement, un délai de réflexion de sept jours avant la signature d’un acte définitif dressé en la forme authentique.

Si l’objectif recherché est en soi louable (éviter les décisions irréfléchies), je reconnais bien volontiers avec vous qu’il alourdit le processus de formation du contrat et peut susciter l’incompréhension des parties à l’acte qui doivent se déplacer deux fois pour signer la vente.

Je vous ai dit à Cannes, en septembre dernier, que je me proposais de réfléchir à des aménagements de ce dispositif.

J’ai demandé à mes services de se rapprocher du ministère de l’équipement et du logement ainsi que de votre instance représentative nationale.

Je souhaite que l’on puisse travailler sur la base d’un mécanisme différent qui facilitera, pour vos clients et vous-mêmes, la conclusion de l’acte et répondra à vos principales préoccupations.

Ainsi, la promesse de vente sous la forme authentique pourrait être soumise à un délai de rétractation de sept jours courant à compter du lendemain soit de la première présentation de la lettre recommandée notifiant l’acte, soit de la remise, constatée dans l’avant-contrat en la forme authentique, d’une copie de celui-ci par le notaire au futur acquéreur.

Le Conseil supérieur du notariat m’a fait savoir qu’il était attaché à cette dernière possibilité qui permet de reconnaître à la remise ainsi constatée la valeur probatoire attachée aux actes authentiques.

Quant à l’acte authentique qui ne serait pas précédé d’une promesse de vente en la même forme, il pourrait être soumis à un délai de réflexion afin de pallier les difficultés d’une éventuelle rétractation : je pense en particulier au maintien d’un contrat concomitant de crédit alors même que l’acquéreur se serait rétracté dans le délai prévu.

J’ai saisi en ce sens mon collègue Gilles de Robien.

De toutes ces évolutions de la formation du contrat de vente d’immeuble, le rôle du notaire doit sortir plus que jamais renforcé.

4 - Mais son rôle ne prend pas fin avec la conclusion de l’acte et je souhaiterais, pour achever mes propos sur le thème de votre Congrès, vous dire quelques mots des formalités postérieures de publication, objet de votre quatrième commission de travail.

La publicité foncière est un instrument de sécurité essentiel. Cependant, force est de constater que face à l’accroissement considérable du nombre des transactions entraînant transfert ou constitution de droits réels, les instruments employés par les services de publicité foncière ne sont plus adaptés.

La manipulation de fiches cartonnées ou de registres en papier ne permet pas de mettre à jour suffisamment rapidement les informations concernant les immeubles et les titulaires de droits et il faut souvent attendre plusieurs mois avant que la totalité des formalités soit achevée.

Afin de remédier à ces carences, d’importants travaux d’informatisation ont été engagés. Ils concernent aussi bien la Conservation des hypothèques, qui dépend du ministère de l’économie, des finances et du budget, que le Livre foncier d’Alsace et de Moselle, service judiciaire dont j’ai la charge.

J’ai eu l’occasion, lors d’un déplacement à Metz, de constater l’ampleur des travaux qui vont être réalisés.

A la différence de la Conservation des hypothèques pour laquelle seules les nouvelles informations sont enregistrées sur support électronique, celles contenues dans le Livre foncier seront totalement numérisées depuis son origine qui remonte, pour certains registres, au 19ème siècle. La consultation des informations pourra en outre avoir lieu par la voie de l’internet, s’agissant des données essentielles. Ce travail d’ampleur sera achevé d’ici 2007.

Ces différentes réformes permettront de prendre en compte les besoins nouveaux du marché immobilier.

Vos quatre commissions travaillent également en ce sens. J’attends avec grand intérêt les vœux qu’elles formuleront et que mes services, comme moi-même, examineront avec attention.

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II - J’aimerais maintenant revenir, avec vous, sur la question fondamentale de la place de l’authenticité.

J’écoutais vos propos il y a quelques instants, Monsieur le Président JACQUET, avec beaucoup d’attention.

1 - J’ai eu l’occasion, lors de la commémoration, en mars dernier, du bicentenaire de la loi de ventôse, de rappeler l’importance de l’acte authentique dans notre ordonnancement juridique.

Importance par ces vertus d’exception que sont la force probante et la force exécutoire.

Importance par ses applications pratiques puisque, comme vous l’avez souligné, plusieurs millions de conventions authentiques sont conclues chaque année.

L’authenticité est le fruit d’une suite d’opérations juridiques et d’investigations auxquelles procède le notaire.

Je pense en particulier, en matière immobilière, à la recherche de l’origine de propriété et au contrôle de la chaîne des transmissions, qui confortent l’acquéreur dans sa situation de propriétaire régulier.

Je pense aussi à la collecte et à l’analyse de l’ensemble des documents d’urbanisme et de construction qui assurent une information complète des parties.

Ces démarches font partie intégrante de la sécurité juridique qui fonde la fonction notariale.

La rigueur et la fiabilité des éléments contenues dans l’acte dressé par le notaire ont conduit le législateur à conditionner, depuis de nombreuses années, la publicité des opérations immobilières à la présentation d’un acte authentique.

C’est dans cette logique, qu’il m’est apparu souhaitable de recourir à l’acte authentique pour la déclaration d’insaisissabilité de l’immeuble d’habitation de l’entrepreneur prévue par le projet de loi sur l’initiative économique de mon collègue Renaud Dutreil.

Par la même sera rendue incontestable cette déclaration unilatérale qui vient déroger au principe fondamental du droit de gage général des créanciers sur le patrimoine de leurs débiteurs.

A travers ce texte, l’acte notarié confirme sa modernité et son rôle dans le développement économique de notre pays.

2 - Dans cette perspective, il importe, bien sûr, de faire accéder l’acte authentique aux techniques les plus avancées.

Le Président ROTH a fait part des interrogations et même de certaines inquiétudes du notaire type quant à l’acte authentique sur support électronique. Le principe de cette dématérialisation a été consacré par le législateur en mars 2000 et sa mise en œuvre est à l’étude dans le groupe de travail présidé par le professeur HUET.

Je puis vous rassurer : l’abolition de la distance et du temps que permet l’électronique ne saurait conduire à voir disparaître l’homme qui confère l’authenticité à l’acte. C’est en effet parce qu’il est reçu par un officier public qu’un acte est authentique.

Dès lors, le contrôle de la réalité de l’expression du consentement ainsi que l’information des parties concourant à l’acte ne sauraient s’effectuer sans lui.

Il n’est pas dans mes intentions que l’acte électronique puisse être conclu hors la présence personnelle du notaire.

Celui-ci doit rester le témoin privilégié dont les affirmations ont, aux yeux de la loi, une valeur exceptionnelle. Les choses sont pour moi très claires.

Pour autant, je souhaite que nous puissions faire sortir les décrets d’application de la loi du 13 mars 2000 et je saisirai prochainement le Conseil supérieur du notariat d’un texte aménagé qui pourrait permettre également de répondre aux difficultés posées par les mentions manuscrites.

3 - Je terminerai sur l’authenticité par deux observations :

  • En premier lieu, la force probante exceptionnelle de l’acte authentique ne peut concerner que les énonciations relatives à un fait dont l’officier public affirme qu’il a été accompli par lui ou s’est passé en sa présence.

Il n’en est pas ainsi des énonciations que le notaire n’est pas à même de vérifier : je pense en particulier à la sincérité des déclarations des parties qui relève de leur for intérieur.

C’est pourquoi lorsqu’un futur acquéreur dispose d’un délai de réflexion, celui-ci est indépendant de la forme de l’avant contrat qu’il signe.

  • En second lieu, je tiens à souligner un aspect essentiel de l’acte notarié, sa conservation.

La minute de l’acte authentique, conservée pendant cent ans dans l’office notarial, confère aux parties une sécurité et un confort irremplaçables, que ne peut offrir un autre acte professionnel.

Force probante, force exécutoire, pérennité : autant d’atouts pour l’avenir de l’acte authentique.

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III – J’en viens maintenant aux autres chantiers de fond auxquels votre profession est étroitement associée.

1 - Le Gouvernement, vous le savez, souhaite mener une politique nouvelle en direction des familles, à la fois respectueuse des valeurs fondamentales de notre société, volontariste et pragmatique.

Au cours de ces dernières années, on a souvent souligné la montée de l’individualisme et la revendication accrue d’une plus grande autonomie de la volonté dans la sphère privée

Mais, parallèlement, l’affirmation des solidarités familiales et entre les générations, n’a jamais été aussi forte. La formidable vitalité de la famille et la référence que représente toujours le mariage ne se sont jamais autant fait sentir, de même que la quête de valeurs fortes autour des principes d’engagement, de responsabilité, de protection, dont le droit et la justice doivent être les garants.

Le droit de la famille doit constituer un socle commun fondateur qui, dans le respect des différences, participe de la nécessaire cohésion sociale.

C’est pourquoi j’entends, parallèlement à la réforme du divorce, rénover le droit du mariage pour valoriser l’expression d’un consentement libre, réfléchi et éclairé. Je pense notamment au régime complexe des oppositions familiales qui devrait être revu. Je pense également à la simplification du changement de régime matrimonial qui doit reposer avant tout sur la volonté des époux recueillie par le notaire.

Le droit de la filiation doit, de son coté, être sécurisé et les possibilités de contester le lien de filiation limitées dans le temps.

Sur tous ces sujets, je souhaite avoir le point de vue de votre profession, elle qui est si à l’écoute des familles.

Mais c’est bien évidemment sur le droit des successions et des libéralités que votre concours m’est le plus essentiel.

A l’occasion de votre dernier congrès à Cannes, en septembre dernier, j’ai annoncé l’ouverture du chantier de cette grande réforme, à laquelle j’ai souhaité que l’ensemble des notaires de France soient associés.

Toutes les familles sont confrontées à l’épreuve cruelle du deuil. Elles doivent trouver dans ces circonstances, des réponses humaines, simples, rapides et adaptées aux difficultés auxquelles elles sont confrontées.

C’est pourquoi j’ai jugé particulièrement important que chaque membre de votre profession ait la possibilité de me faire part de ses préoccupations au quotidien, au travers de réponses à un questionnaire qui vous a été adressé en début d’année.

Plus de trois mille notaires ont répondu à cette consultation.

Je tiens aujourd’hui à vous en remercier publiquement comme je remercie le Conseil supérieur du notariat de l’important travail d’analyse qu’il a mené.

Votre mobilisation témoigne d’attentes fortes sur un thème qui touche le cœur de l’activité notariale.

Sur cette base, avec le concours de votre instance représentative nationale, j’entends finaliser pour cet hiver, un projet de loi portant sur les successions et les libéralités de telle sorte que le Parlement puisse en être saisi dans le courant de l’année 2004.

IV. Je terminerai mes propos par les questions touchant directement au statut et à l’exercice de votre profession.

1- Je commencerai par la formation.

Vous avez, en début d’année, Monsieur le Président, exprimé des craintes pour l’avenir de celle-ci en raison de la réforme universitaire portant création des « masters » et de l’introduction du système de validation des acquis de l’expérience.

Nous avons commencé à travailler ensemble.

S’agissant de l’avenir du DESS de droit notarial, les réunions menées par mes services avec le ministère chargé de l’enseignement supérieur ont pu, je crois, vous rassurer sur les objectifs poursuivis par la réforme en cours.

La création d’un master de droit ne signifie pas la disparition d’une formation initiale spécifique des notaires par sa dilution dans un dispositif trop vaste et bien peu spécialisé.

Le ministère de l’enseignement supérieur est tout à fait sensible et favorable à la création d’un master de droit mention « droit notarial ».

Il aura vocation à embrasser l’ensemble des matières actuellement enseignées au sein du DESS de droit notarial, sera unique pour l’ensemble du territoire et son contenu sera harmonisé.

Le niveau d’exigence et la qualité de la formation seront préservés dans la mesure où l’accès au master et le contrôle continu en cours de cursus seront maintenus par les universités qui ne souhaitent pas voir leurs offres de formation dévaluées.

J’ajoute que votre profession conservera un droit de regard sur le contenu de la formation initiale au travers des conventions passés entre vos centres de formation et les universités.

Naturellement, l’introduction des masters appelle une adaptation des textes relatifs au diplôme supérieur du notariat. En raison de l’urgence attachée à la réforme des filières universitaires, un groupe de travail associant la chancellerie, le ministère de l’enseignement supérieur, votre profession et les universités, a commencé à se réunir et ses travaux me paraissent s'engager sur des bases maintenant clarifiées et saines.

S’agissant du système de validation des acquis et de l’expérience, je reste attentif aux conditions de sa mise en œuvre, notamment à l’égard du diplôme supérieur du notariat.

Je suis confiant et convaincu que, comme sur la question des "masters", nous saurons donner ensemble une solution satisfaisante à ce dossier.

2- C’est grâce à ce même dialogue que la réforme de la discipline des notaires pourra se faire rapidement.

L’architecture de la procédure disciplinaire doit être redessinée afin d’offrir toutes les garanties d’impartialité et d’obéir aux exigences d’un procès équitable.

A l'issue des travaux avec le Conseil Supérieur du Notariat, j’ai déposé un amendement en ce sens lors de la première lecture au Sénat de la loi réformant certaines professions juridiques ou judiciaires.

Alors que les manquements les moins graves relèvent actuellement de l’instance départementale, le texte voté prévoit d'en transférer le jugement au conseil régional.

Ainsi pourra-t-il être évitée, dans les départements à faible démographie professionnelle, une trop grande proximité entre les membres de la formation disciplinaire et le professionnel poursuivi.

En revanche, le syndic départemental est maintenu dans son pouvoir de dénonciation des infractions disciplinaires.

La chambre départementale, qui reçoit communication des rapports d’inspections comptables, est en effet en mesure, d’assurer de manière effective la surveillance des notaires relevant de son autorité et d’avoir plus facilement connaissance des infractions commises localement. La proximité géographique de l’instance départementale chargée de poursuivre est ici un gage d’efficacité et ne porte pas atteinte aux dispositions de la Convention européenne puisque le principe de la séparation des fonctions de poursuite et de jugement est assuré.

3 – J’en viens maintenant à une question sur laquelle l’attention de mes collaborateurs et de mes services a été à plusieurs reprises appelée au cours de ces derniers mois. Je veux parler de l’instruction des dossiers de nomination, d’agrément, de cession d’office ou encore de constitution, fusion ou scission de sociétés d’exercice.

J’ai bien conscience que les dossiers doivent être instruits avec célérité. Nous avons fait de réels progrès en ce sens.

Je pense que des méthodes nouvelles plus performantes doivent être dégagées. Nous devons en concertation avec la profession poursuivre dans cette voie et réfléchir à une méthodologie nouvelle dans les relations entre l’administration centrale et les cours d’appel.

4 - Cette démarche participe du souci de faciliter l’exercice professionnel et constitue à ce titre un des aspects du chantier stratégique de l’avenir économique des professions juridiques sur lequel j’entends réfléchir dans les mois à venir. J’ai l’intime conviction de l’importance de cette question au regard du rôle du notariat au plan européen et international. Je salue l’œuvre du notariat dans ce domaine et en particulier, son action décisive pour faire adhérer la Chine à l'Union du Notariat Latin.

5 – Reste un dernier point dont vous m’avez, tout dernièrement saisi, Monsieur le Président, la question de l’assurance obligatoire de responsabilité civile professionnelle.

En l’état actuel de la réglementation, chaque notaire est personnellement tenu de s’assurer. Ce dispositif de police individuelle peut toutefois être complété par une assurance souscrite par les caisses régionales de garantie. Cette assurance collective est devenu, au fil du temps, la pratique générale.

Sans revenir sur le principe de la garantie offerte par la caisse régionale, vous souhaitez que la police d’assurance couvrant la responsabilité civile de chaque notaire soit souscrite par le truchement du Conseil supérieur pour l’ensemble de la profession.

Une telle mesure permettrait, il est vrai, d’uniformiser, pour l’ensemble de la profession, les clauses et conditions de la garantie et indirectement, d’assurer une plus grande sécurité juridique, tant pour les professionnels, que pour leur clients.

Elle aboutirait, en outre, à une réduction du coût global de l’assurance, par une mutualisation des risques, avec pour corollaire, l’instauration d’un système de prime unique.

On ne peut être insensible aux enjeux financiers de la question, alors que la pratique démontre que le montant total des sinistres, plus que leur nombre au demeurant, est en augmentation depuis plusieurs années.

Je ne suis donc pas opposé à ce que nous puissions avancer en la matière. Je pense néanmoins que le sujet est délicat et mérite une grande attention.

Il est question en ce domaine de liberté contractuelle et de concurrence, ce qui n’est pas sans incidence, ne serait-ce qu’en termes d’ordonnancement juridique.

Je n’ai, à cet égard, pas de doute sur le caractère législatif de la mesure, en raison de son impact sur le régime des obligations civiles. La réforme ne pourrait donc se borner à modifier les dispositions réglementaires d’avant 1958 qui régissent toujours l’assurance professionnelle obligatoire dans le notariat.

Je vous propose que mes services continuent à approfondir la question avec vous afin de voir dans quelle mesure nous pourrions finaliser un texte dans des délais proches.

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Monsieur le Président, vos confrères ici rassemblés étaient, m’avez-vous dit, impatients de m’entendre.

Ils attendaient que l’Etat, à travers l’un de ses représentants, témoigne de cette conviction qui les anime, au service de la justice et de la paix publique ; qu’il atteste de l’exigence avec laquelle ils remplissent leurs missions ; qu’il comprenne les suggestions qui sont les leurs.

Qu’en un mot, il leur renouvelle sa confiance.

Je le fais bien volontiers.

Mais j’espère que chacun d’entre vous était déjà convaincu. En ce qui me concerne, cette demande était superflue.

Monsieur le Président, je le redis : les notaires ont non seulement ma confiance, ils ont mon estime et ma reconnaissance.

Je vous remercie.