[Archives] Tribunal de Grande Instance de Chartres - 12 février 2016

Publié le 16 février 2016

Discours de Jean-Jacques URVOAS, garde des Sceaux, ministre de la Justice

Temps de lecture :

4 minutes

Intervention de Monsieur Jean-Jacques URVOAS

garde des Sceaux, ministre de la Justice

au Tribunal de Grande Instance de Chartres

à l’occasion de son premier déplacement en juridiction

vendredi 12 février 2016

 

 

 

Seul le prononcé fait foi

Madame le Premier Président, Dominique Lottin

Monsieur le Procureur Général, Marc Robert

Madame la Présidente du TGI, Françoise Barbier Chassaing

Monsieur le Procureur, Patrice Olivier Morel

Je vous remercie de votre accueil.

Ayant eu l’honneur de diner avant-hier avec Robert Badinter à la chancellerie, il m’a raconté la nomination de François Mitterrand comme Garde des Sceaux.

Le président du Conseil Guy Mollet lui avait simplement dit « vous venez de subir une opération. Il faut que vous alliez Place Vendôme, là au moins vous aurez une convalescence tranquille, il y règne le plus grand calme ».

C’était en 1956, c’est-à-dire à des années lumières.

Nous sommes en 2016 et je sais la grande misère que connaissent la plupart des juridictions.

Ainsi j’ai lu votre tribunal était à l’étroit (je viens de le constater) et que des projets existent de cité judiciaire depuis 1953 (JP Gorges, que je recevrais).

Il m’a semblé que Chartres était un bon endroit pour s’adresser, à travers vous, à toutes les femmes et tous les hommes qui se consacrent à l’œuvre de justice.

Vous le savez peut-être, dès ma prise de fonction, j’ai indiqué que mon unique priorité serait d’obtenir des moyens conséquents pour le ministère de la justice et singulièrement pour les services judiciaires.

Il peut y avoir des urgences, je les traiterai.

Il peut exister des réformes engagées, je les poursuivrai.

Mais je ne me fixe qu’un seul objectif, supérieur à tous les autres, contribuer à la restauration de l’environnement professionnel des personnels du ministère pour une justice plus efficace.

Ce n’est pas simplement une question financière ou budgétaire mais une question de principe.

Ø Si la justice est amoindrie, c’est la République qui est abîmée.

Ø Quand un citoyen ne peut exercer l’un de ses droits, c’est comme s’il n’en avait aucun.

Or trop nombreux sont, en effet, les Français qui estiment que l’institution n’est pas faite pour eux : trop chère, trop lointaine, trop compliquée, trop lente aussi.

Je veux donc chercher à y remédier, car c’est la condition de l’état de droit.

Pour y parvenir, il faut naturellement pouvoir compter sur votre engagement, j’ai pu une nouvelle fois en mesurer la densité.

Mais il faut aussi engager – pour les gagner - plusieurs batailles.

Je veux en citer deux.

La première est législative.

Notre situation est paradoxale : nos juridictions sont en surchauffe, asphyxiées par les contentieux de masse et noyées par l’augmentation  régulières des tâches confiées aux magistrats.

Et dans le même temps, le taux de vacance de poste de magistrats n’a jamais été aussi important.

Il faut donc impérativement alléger la charge en faisant aboutir le plus rapidement possible le processus de J21.

La seconde bataille est budgétaire.

Un symbole suffit : vendredi dernier, j’accompagnais le PR a Bordeaux pour assister à la plus importante promotion d’auditeurs de justice depuis 1958 : 366 !

Et je sais que l’école nationale des greffes formera pour sa part 800 directeurs de greffe et greffiers en 2016 comme en 2017.

Ces quelques chiffres résument les efforts déjà engagés.

Mais l’urgence d’un renforcement rapide des juridictions ne permet pas d’attendre 31 mois pour les magistrats, 18 mois pour un directeur de greffe et 18 mois pour un greffier.

C’est la raison pour laquelle des mesures de simplification des détachements et des recrutements latéraux seront prises pour permettre des arrivées plus rapides en juridictions de personnes déjà formées et qui apporteront un savoir-faire complémentaire et précieux.

Ce renforcement sera complété par des mesures incitatives à l’égard des magistrats honoraires et des juges de proximité pour leur permettre de prendre part plus largement à l’activité juridictionnelle.

Dans le même temps, tout doit être fait pour recentrer les magistrats et les greffiers sur les missions juridictionnelles.

En 2016 et 2017, les recrutements de secrétaires et d’adjoints administratifs seront augmentés de 150 effectifs.

C’est la notion d’équipe autour du magistrat qu’il nous faut développer, afin de permettre aux juges et aux procureurs de se recentrer sur leurs fonctions essentielles.

Les greffiers se verront confier d’avantage de missions d’assistance, en conformité avec leur statut particulier.

300 assistants juridictionnels seront recrutés par contrat.

Ils assumeront des fonctions d’analyse de fond et d’étude des problèmes juridiques les plus complexes exigeant actuellement des magistrats qu’ils y consacrent un temps précieux.

Les profils des greffiers et des assistants juridictionnels spécialisés seront ainsi complémentaires.

Mais ces moyens humains supplémentaires doivent s’accompagner de dotations budgétaires.

Ainsi pour chaque personne supplémentaire affectée en juridiction, des crédits ont été prévus pour couvrir les dépenses de fonctionnement qui en découlent pour un montant total de 6.5 millions d’euros en 2016.

Mais ce n’est pas encore suffisant.

C’est la raison pour laquelle, j’ai fait redéployer 14 millions d’euros de crédits pour atteindre deux objectifs :

Ø Financer les besoins des juridictions en matière de renforts temporaires de juges : juges de proximité, magistrats à titre temporaire et d’assistant de justice (pour 8 millions d’euros),

Ø Allouer un complément de 300 vacataires à temps plein, avec des contrats allant jusqu’au 31 décembre 2016, en plus de ceux qui avaient déjà été notifiés fin 2015 (pour un montant de 6 millions d‘euros).

Ce redéploiement exceptionnel représente une augmentation de plus d’un tiers de l’enveloppe allouée initialement sur la base du budget 2016.

La direction des services judiciaires a reçu comme consigne de déléguer aux cours d’appel les crédits correspondant dans les tous prochains jours.

Cela permettra les recrutements dans les meilleurs délais.

Mesdames, messieurs,

J’ai été trop long et je ne voudrais pas que vous pensiez que je me satisfais des mots.

J’ai quinze mois pour agir et je voulais vous dire mon engagement total.

15 mois pour lancer un mouvement de simplification et reprendre les investissements qui nous permettront d’assurer que la justice de demain soit efficace.

15 mois pour que les droits reconnus puissent être effectivement exercés.