[Archives] Assise de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes

Publié le 05 décembre 2008

Discours de Madame Rachida Dati, Garde des sceaux, Ministre de la justice - Dijon

Monsieur le Préfet,
Messieurs les chefs de cour,
Madame la Présidente du Haut Conseil du Commissariat aux Comptes, chère Christine Thin,
Monsieur le Président, cher Vincent Baillot,
Mesdames et Messieurs les magistrats,
Mesdames et Messieurs,

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C’est avec beaucoup de plaisir que je me joins à vous pour ces 21èmes assises de votre Compagnie.

Comme vous l’avez indiqué, Monsieur le Président, cette rencontre est un moment privilégié. C’est l’occasion d’échanger sur les grandes mutations de votre profession, dans un contexte qui, vous l’avez rappelé, n’est pas des plus faciles.

Avant d’y revenir, je tiens tout d’abord à vous remercier, Vincent Baillot, pour votre action à la présidence de la Compagnie durant ces quatre dernières années.

Vous avez contribué à donner une excellente image de la profession et vous avez participé à renforcer son unité. Nos relations ont été de qualité, toujours constructives. Je suis certaine qu’elles se poursuivront avec votre successeur.

L’année 2008 a été riche en réformes pour le commissariat aux comptes. Je sais que certaines d’entre-elles ont été difficiles pour vous. D’autres ont suscité des interrogations. La crise économique et financière a apporté par ailleurs son lot de doutes et d’incertitudes.

Je veux revenir avec vous sur ces évolutions et vous expliquer, pourquoi, plus que jamais, nous pouvons avoir confiance en l’avenir.

Comme vous y avez fait référence, Monsieur le Président, la loi de modernisation de l’économie représente l’une des principales réformes mises en œuvre en 2008.

Je sais que les dispositions exonérant certaines sociétés de la certification de leurs comptes inquiète votre profession.

Les propos que vous avez tenus, Monsieur le Président, montrent combien le sujet est encore sensible pour chacun d’entre vous.

Aujourd’hui, je tiens à vous dire, au nom du Gouvernement, que cette mesure ne doit pas être prise comme un signe de défiance à l’égard des commissaires aux comptes, ni comme une sanction.

Elle a pour objectif de simplifier la législation applicable aux PME. Cela ne remet pas en cause l’intérêt des missions que vous réalisez auprès des entreprises.

Pour preuve : la loi vous charge de contrôler les fonds de dotation et d’examiner les obligations pesant sur les entreprises en matière de délais de paiement. C’est un signe évident de confiance.

De plus, la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, vous charge désormais d’intervenir également auprès des organisations syndicales.

Il y a encore d’autres secteurs où la certification présente un intérêt. Vous avez évoqué le secteur hospitalier. Il y a encore d’autres pistes

Vous pouvez compter sur mon soutien pour vous aider à gagner de nouveaux périmètres.

La LME a été votée. Il s’agit maintenant d’en tirer les conséquences.

A court terme et de façon très pratique, il faut adopter les mesures d’application nécessaires à la mise en œuvre de ce nouveau dispositif.

·       Sur la dispense de commissaire aux comptes

L’impératif de sécurité financière et juridique doit être pris en compte. J’y veillerai.

Le décret fixant les seuils d’intervention du commissaire aux comptes dans les sociétés par actions simplifiées sera transmis au Conseil d’Etat dans les prochains jours.

La dispense de désignation d’un contrôleur légal se limite donc aux sociétés les plus modestes. Il n’est pas question de permettre que des sociétés de taille moyenne puissent se passer d’un contrôleur légal des comptes car cela ne serait ni pertinent ni raisonnable.

·       Sur la norme simplifiée

La loi prévoit également, pour certaines PME, l’adoption d’une norme d’exercice professionnelle dite « simplifiée ». Votre compagnie est chargée d’élaborer un projet de norme en définissant les modalités. Je sais que des travaux ont été engagés à cette fin avec le Haut Conseil du commissariat aux comptes.

Là encore comme je l’ai fait tout au long de cette année, je veillerai à ce que le texte retenu garantisse la sécurité et les intérêts de tous les acteurs économiques. Il n’est pas question que cette norme conduise à une remise en cause de la notion de certification des comptes. La certification doit assurer un degré de sécurité constant, quelle que soit la taille de l’entreprise.

Les seuils retenus pour l’application de cette norme « simplifiée » sont cohérents et protecteurs :

-        1,5 millions d’euros au total du bilan,

-        3,100 millions d’euros de chiffre d’affaires hors taxe et cinquante salariés.

Ils garantissent un équilibre entre sécurité et simplification, ce dont nous devons tous nous féliciter.

·       Sur les exigences de simplification

Tirer les conséquences de la réforme, c’est aussi s’interroger sur le mouvement actuel en faveur de la simplification.

Vous avez évoqué le parallèle parfois opéré entre commissariat aux comptes et charges administratives. Cette assimilation n’existe pas dans l’esprit du gouvernement.

Je sais que certains militent, notamment au plan européen, pour que de nouveaux allégements soient proposés dans le domaine de la comptabilité et de l’audit.

Je vous l’assure avec force : ce n’est pas ma conception de votre mission. Le contrôle légal des comptes constitue un véritable apport. Il est nécessaire au regard de l’intérêt général.

Votre mission est fondamentale. Je le rappelle. Elle l’est d’autant plus dans un contexte de crise.

Nous devons chercher des solutions innovantes pour répondre aux besoins et aux inquiétudes des acteurs économiques.

Je compte sur vous pour être des forces de proposition. Je pense à deux domaines en particulier.

·       La prévention des difficultés des entreprises

Vous avez évoqué, Monsieur le Président, vos propositions sur la prévention des difficultés des entreprises. Je souhaite que nous puissions travailler ensemble avez rapidement.

·       La révélation des faits délictueux

Je sais quel’obligation de révéler les faits délictueux suscite des inquiétudes chez certains d’entre vous.

Ce devoir représente un élément important de votre mission. Je sais que vous le menez avec responsabilité. Il est en lien avec la préservation de l’intérêt général que vous représentez. Il n’est donc pas envisagé aujourd’hui de le réformer.

Toutefois, je comprends vos préoccupations.

Pour y répondre, le dialogue entre les professionnels du contrôle légal des comptes et les membres des parquets est indispensable.

Je souhaite que l’on poursuive les rencontres qui ont déjà été organisées dans plusieurs cours d’appel avec la participation des services de la chancellerie.

D’autres réalisations importantes ont marqué l’année 2008.

Lors de vos derniers états généraux, j’avais pris des engagements. Ils ont été tenus.

·       Le financement du H3C

Il était indispensable de donner à l’institution chargée de vous superviser des moyens à la hauteur de l’importance de sa tâche. Je tiens d’ailleurs à rendre hommage au travail remarquable accompli par Christine Thin et Philippe Steing.

Le code de commerce a été réformé pour inscrire le principe du financement du H3C par la profession. Par un décret, publié en août dernier, les modalités de recouvrement des droits et contributions et les conditions d’adoption par le Haut Conseil de son budget ont été précisées.

Je sais que le Président BAILLOT que vous vous êtes impliqué personnellement dans le recouvrement de cette contribution.

Avec davantage de moyens, le Haut Conseil, pourra recruter des collaborateurs de qualité issus de la profession. Ils occuperont des postes de responsabilité. Leur expertise contribuera à améliorer les pratiques.

Le Haut Conseil sera mieux à même de défendre vos intérêts dans les instances internationales où se joue désormais largement l’avenir de votre profession.

Il pourra répondre plus rapidement aux demandes d’avis qui lui sont transmises : les projets de textes comme les questions de professionnels confrontés à des situations délicates.

Je compte sur vous tous pour que cette réforme soit mise en œuvre dans les meilleures conditions.

J'ai accepté la mise en place d'un nouvel échéancier de paiement pour l’année 2008 afin de prendre en compte vos contraintes. Il est indispensable, en contrepartie, que toutes les cotisations soient réglées à temps.

·       La réforme du code de déontologie

Je me suis engagée devant vous à réformer le code de déontologie de la profession sur quatre points : j’ai tenu cet engagement.

Toutes les mesures sur lesquelles nous nous sommes accordés ont été prises par le décret du 2 juillet 2008.

Depuis notre dernière rencontre, le Haut Conseil du commissariat aux comptes a associé professionnels et représentants des entreprises pour évaluer les difficultés du dispositif actuel.

Le ministère de la justice soutient et encourage ces travaux. Ils constitueront une aide précieuse pour concrétiser mon souhait de parvenir à un accord avec la Commission européenne sur la question du code de déontologie.

Je réfléchis pour cela à l’élaboration de propositions de réforme concernant les incompatibilités applicables aux réseaux et le délai de viduité. Je souhaite que ce processus aboutisse le plus rapidement possible. J’aurai une nouvelle fois besoin de votre soutien.

·       Les diligences directement liées à la mission (DDL)

J’avais aussi évoqué la question des diligences directement liées à la mission (les DDL).

 

Je partage avec vous l’idée qu’en matière de sécurité financière, les entreprises ont besoin de vous. Votre apport doit correspondre au mieux à ces besoins.

J’ai favorisé l’adoption de sept normes qui couvrent les principaux domaines d’intervention des professionnels et qui répondent aux besoins des entreprises. Je sais à quel point vous les attendiez.

·       La transposition de la 8ème directive comptable

Avant-hier, j’ai présenté en Conseil des ministres l’ordonnance qui finalise la transposition de la Huitième directive sur le contrôle légal des comptes.

                                                         *

J’aimerais, en conclusion, évoquer devant vous l’actualité à venir en 2009 pour le commissariat aux comptes.

Vous l’avez compris, nous allons mener à leur terme et très rapidement les réflexions sur les DDL et sur le code de déontologie sans difficultés.

Les quatre normes restantes, que vous avez évoquées, M. le Président, seront bientôt examinées. Je souhaite qu’elles soient homologuées. Je ne doute pas que nous aboutirons à une solution équilibrée, conciliant les besoins des professionnels et des entreprises aux impératifs de sécurité et de cohérence qui gouvernent la mission du commissaire aux comptes.

Nous allons travailler ensemble à votre formation professionnelle.

Grâce au travail mené avec vos représentants, un arrêté paraîtra dans quelques jours. Il définit les modalités de votre formation continue.

Il nous restera alors à finaliser la réforme du certificat d’aptitude qui sera l’une de mes priorités pour 2009. La Compagnie nous a communiqué des propositions que nous étudions.

Cher Gilles de COURCEL, je sais combien vous nous aidez pour faire avancer ce sujet important. Je tiens à vous en remercier.

                                                 *

                                               *   *

Mesdames et Messieurs les commissaires aux comptes,

Par votre action, vous permettez, chaque jour, de prévenir des difficultés, de détecter des erreurs ou des fraudes, de sécuriser des échanges. Votre intervention contribue à garantir le crédit d’une société Elle inspire confiance. C’est d’autant plus précieux en ces temps de crise.

Je vous exprime comme je l’ai fait l’année dernière toute ma confiance. Je souhaite que 2009 nous permette d’œuvrer ensemble en faveur d’un retour de la croissance.

Je vous remercie.