[Archives] Prévention des difficultés des entreprises

Publié le 07 juin 2010

Discours de Mme Alliot-Marie, ministre d'Etat, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés

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4 minutes

Madame la Présidente,
Monsieur le Préfet,
Madame le Procureur Général,
Monsieur le Médiateur,
Mesdames et Messieurs,

Un Etat garant des équilibres économiques et sociaux de notre pays,
Un Etat soucieux de l'emploi de nos concitoyens et de la compétitivité des entreprises,
Un Etat régulateur de l'économie, un Etat protecteur des entrepreneurs et des salariés, ne saurait se désintéresser de la prévention des difficultés des entreprises.

La crise a révélé les conséquences dangereuses d'un effacement progressif de la norme juridique au profit des exigences des marchés financiers.

Tout se passe comme si la cigale financière avait étouffé la fourmi juridique.

Notre responsabilité est de rétablir l'autorité de la norme de droit.

Dès le début de la crise, sous l'impulsion du Président de la République, la France a engagé une politique nationale et internationale dont les mérites sont largement et légitimement reconnus.

Ministre de la Justice et des Libertés, je veille à ce que Justice prenne toute sa place dans les réponses à apporter sur le terrain aux entreprises en difficulté.

La prévention des difficultés des entreprises mobilise aujourd'hui des acteurs nombreux et différents.

Pour améliorer son efficacité, il faut examiner les voies et les moyens d'une meilleure articulation de leur rôle.

La crise a conduit à une redéfinition des rôles de chacun.

Aux dispositifs judiciaires s'ajoutent désormais des dispositifs administratifs novateurs.

La justice commerciale a pu s'appuyer sur un droit récemment modernisé.

L'anticipation des difficultés augmente les chances de survie de l'entreprise.

La négociation est essentielle à la confiance des partenaires économiques de l'entreprise en difficulté.

La rapidité des procédures, quand la liquidation judiciaire est inévitable, offre une deuxième chance aux entrepreneurs en difficulté. C'est particulièrement vrai pour les plus petites entreprises.

Pour répondre concrètement aux besoins des entreprises en difficulté, des instruments nouveaux, créés ou renforcés dès avant la crise, correspondant à ces trois exigences : procédure de prévention, mandat ad hoc, conciliation, sauvegarde.

Parallèlement, de nouvelles structures administratives tirent les leçons de la crise.

Les entreprises, et particulièrement les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises, on dû faire face à un resserrement des offres de crédit compétitives.

La création du médiateur du crédit, celle des commissions départementales de suivi de l'économie, ont permis d'apporter une réponse souple et efficace.

Aujourd'hui, tout le monde reconnaît l'utilité de ces nouveaux acteurs.

Au-delà de ce constat, ce qui m'intéresse est, comme toujours, de tirer les leçons de ce que nous avons vécu pour encore mieux et plus vite aider les entreprises.

Médiateur du crédit et commissions départementales sont arrivés dans un paysage administratif qui connaissait déjà de nombreuses structures tant nationales que locales.

Mesdames, Messieurs,

La multiplicité des instances et de leurs missions peut nuire à leur lisibilité pour les chefs d'entreprise.

Cette table ronde est l'occasion de réfléchir à l'articulation des différents intervenants. Cela suppose de répondre concrètement à un certain nombre de questions.

Comment clarifier le rôle de chacun ?

Trop souvent, des dispositifs administratifs et judiciaires sont mis œuvre en même temps, sans coordination.

Dans certains dossiers, le juge consulaire engage une conciliation, alors même que les équipes du médiateur du crédit viennent d'entamer une médiation.

Il est arrivé que des chefs d'entreprise saisissent successivement la médiation, le comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) ou un comité départemental d'examen des problèmes de financement des entreprises (CODEFI), puis le tribunal.

Une meilleure information des chefs d'entreprise sur les objectifs et les limites de chaque dispositif est un préalable et une nécessité.

Je souhaite que les procureurs généraux et les procureurs jouent tout leur rôle dans l'information des chefs d'entreprise. Au plan local, des réunions doivent être tenues régulièrement avec les chambres de commerce et les représentants du MEDEF.

Il faut aller plus loin. Je suis à l'écoute de toute proposition sur ce point.

Autre question : comment favoriser le travail en commun ?

Les acteurs de la prévention des entreprises en difficulté doivent apprendre à mieux échanger l'information.

- Cela suppose la présence de chacun dans les structures concernées. La justice doit y jouer un rôle plus constant qu'aujourd'hui. C'est pour cela que je souhaite renforcer le rôle des parquets en matière commerciale et d'ordre public économique en général.

- Cela suppose aussi le respect de certaines règles.

Règle de confidentialité des échanges entre les chefs d'entreprise et ses partenaires économiques.

Exigences du secret professionnel de la part de chacun des intervenants.

Devoir d'impartialité de la part des juges. Ceux-ci qui peuvent être conduits à se prononcer ultérieurement sur le cas d'une entreprise évoqué en réunion.

Comment assurer la circulation de l'information dans le respect de ces règles et de ces principes ?

Cette table ronde est l'occasion d'apporter des réponses concrètes sur ce point.

Mesdames et Messieurs,

Face à la crise, les Français attendent de notre part réactivité, efficacité et inventivité.

Je souhaite que nous réfléchissions sans tabou et sans querelle de clocher à tous les aspects de la prévention des difficultés des entreprises.

En identifiant ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, nous dégagerons, très concrètement, les bonnes pratiques à développer sur le terrain.

Je sais pouvoir compter sur chacune et chacun d'entre vous.

Sans attendre, je laisse la parole à Madame Claire Favre, présidente de la chambre commerciale de la Cour de Cassation.