[Archives] 30ème anniversaire de l'Ecole Nationale des Greffes

Publié le 27 octobre 2005

Discours de Pascal Clément, ministre de la Justice, garde des Sceaux à Dijon

Temps de lecture :

10 minutes

Madame le Procureur Général,
Monsieur le Directeur de l’Ecole Nationale des Greffes,
Mesdames et Messieurs les magistrats,
Mesdames et messieurs les fonctionnaires des services judiciaires,
Mesdames et Messieurs,

Je voudrais avant tout vous remercier tout particulièrement pour la qualité de votre accueil et vous dire combien j’ai été sensible à votre invitation.

Je tenais à me rendre au 30ème anniversaire de l’Ecole Nationale des Greffes. Il s’agit d’un évènement important pour le monde judiciaire. Mais il nous permet également d’évoquer, ensemble, l’avenir de la profession des fonctionnaires de justice : greffiers en chef, greffiers et agents de catégorie C.

Je me réjouis de la présence et de la participation à cette célébration des chefs de cour et des magistrats. La participation de tous symbolise en effet la nécessaire unité de l’institution judiciaire.

Je suis heureux de rencontrer aujourd’hui les membres de l’Ecole, son corps enseignant ou ses personnels administratifs et techniques, ainsi que les promotions de greffiers en chef et greffiers stagiaires en cours de formation. Je sais votre volonté d’œuvrer pour une justice de qualité et je vous en remercie chaleureusement.
Surtout, l’occasion m’est ici donnée de rendre un hommage appuyé et très sincère à l’ensemble des fonctionnaires de justice. Je pense aux greffiers en chef bien entendu qui sont les organisateurs et les planificateurs de la justice au quotidien. Je pense aux greffiers qui assurent avec diligence et efficacité le fonctionnement concret des juridictions. Je pense enfin aux agents et adjoints, administratifs et techniques, qui sont les rouages essentiels de l’institution judiciaire.
Le professionnalisme des fonctionnaires des juridictions est aujourd’hui parfaitement reconnu. Bien évidemment, nous le devons à la qualité de votre travail. Mais nous le devons aussi à l’effort constant d’adaptation qu’à réalisé l’Ecole Nationale des Greffes tout au long des années qui viennent de s’écouler.
L’Ecole est et doit rester un lieu d’échange, de réflexion et d’ouverture nécessaire à l’accompagnement des fonctionnaires de justice, tout au long de leur carrière, pour renforcer leur professionnalisme.

Compte tenu des nombreuses réformes qui pèsent sur l’organisation des greffes, les fonctionnaires des services judiciaires doivent régulièrement remettre en cause leurs acquis professionnels. C’est ainsi qu’ils pourront développer de nouvelles compétences, afin de garantir une offre de justice efficace et de qualité.

Nous y reviendrons.

Puisque nous sommes dans un établissement de formation et de réflexion, je voudrais d’abord retracer l’évolution des métiers du greffe.

L’ACCOMPAGNEMENT DE L’EVOLUTION DES METIERS DE GREFFE :

Les fonctionnaires de greffe ont un double métier, qui correspond à deux missions indissociables. Ils ont avant tout une mission juridictionnelle. C’est leur mission traditionnelle. Je crois cependant qu’elle est susceptible d’être rénovée.
La dimension administrative s’est largement imposée dans les juridictions et a conduit à l’évolution des métiers de gestion.

Quant à la mission juridictionnelle est, plus que jamais, une exigence d’efficacité, de qualité et de pédagogie.

L’efficacité de la Justice s’exerce dans différents domaines. Je pense notamment, parce que j’y suis particulièrement attaché, à l’exécution des peines.
A cet égard, je souhaiterais appeler votre attention sur les conséquences de l’entrée en vigueur le 1er octobre dernier du décret du 2 septembre 2005 relatif à la procédure simplifiée et au paiement volontaire des amendes correctionnelles ou de police, qui a un impact sur toute la chaîne de l’exécution des peines.
La mise en œuvre de ce texte va en effet, même s’il est limité aux seules amendes, conduire à une nouvelle articulation entre les greffes correctionnels et les services d’exécution des peines des parquets. Ces nouvelles dispositions sont de nature à améliorer l’efficacité globale du dispositif d’exécution des peines. Je souhaite que tous les greffes soient sensibilisés le plus tôt possible à cet outil.
Il va également susciter à terme la multiplication des bureaux d’exécution des peines, actuellement en cours d’expérimentation dans divers ressorts, et dont la généralisation est un de mes objectifs à court et moyen terme.
Vous aurez besoin pour cela de l’affectation des moyens matériels nouveaux, informatiques notamment, qui vous seront fournis. Mais un BEX n’est pas uniquement une question de moyens, c’est aussi une question de volonté et d’efficience du fonctionnement d’une juridiction. Cette volonté, je ne doute pas que nous la partagions. Elle doit donc avoir des conséquences concrètes et rapides. Encore une fois, votre engagement sera la clé de la réussite et je compte sur vous pour que la situation s’améliore sensiblement.
Assurer l’exécution des peines ne suffit pas. Il nous faut également réduire les délais de la justice civile. Là encore, les Français attendent beaucoup de vous.

Enfin, une justice moderne implique une pédagogie accrue à l’égard des justiciables. Vous qui êtes en relation constante avec les justiciables, vous savez mieux que quiconque leur besoin d’attention et d’éclaircissements. Je sais votre attitude exemplaire en ce domaine, mais je voudrais vous demander de nouveaux efforts. Chaque fois qu’un justiciable sort d’un tribunal avec le sentiment que la Justice a été rendue, c’est toute l’institution judiciaire qui en sort grandie et revalorisée.

*

*   *

La professionnalisation des métiers du greffe, si elle passe inévitablement par la spécialisation des tâches, requiert aussi l’alliance des compétences par le travail en équipe.

Il s’agit avant tout de constituer et de consolider une équipe autour des juges et des parquetiers, où chacun doit respecter les attributions et les compétences de l’autre. Afin d’exercer pleinement ses attributions juridictionnelles, le magistrat doit disposer de collaborateurs ayant de solides compétences juridiques et procédurales. Il faut donc fédérer ces compétences pour former des équipes dynamiques, capables d’apporter une réponse rapide et sûre aux attentes des justiciables.

La réforme statutaire des greffiers est entrée en vigueur le 1er juin 2003 et a permis leur reclassement en CII.

Cet aboutissement a marqué une étape importante pour les métiers de greffe. Elle est la reconnaissance de la technicité des greffiers.

Ce nouveau statut des greffiers a reconnu leurs fonctions traditionnelles dans l’assistance du magistrat et leur participation aux actes judiciaires. Il a étendu leur mission à l’aide à la décision des magistrats.

C’est dans ces conditions qu’une expérimentation a été menée dans ce domaine dans les cours d’appel et les tribunaux de grande instance en matière pénale qui s’est poursuivie cette année dans le domaine civil. Concomitamment une expérience spécifique a également été poursuivie dans le cadre de l’amélioration d’une meilleure effectivité de l’exécution des peines des décisions pénales.

Le succès de ces expérimentations a reposé essentiellement sur la mobilisation et la qualité des greffiers qui y ont été affectés.

A l’issue de ces expérimentations et aussi pour accompagner les grandes réformes et en tirer les conséquences, un groupe de travail doit être mis en place pour poursuivre une réflexion sur le rôle et les missions des greffiers.

Plus nombreux, plus diversifiés, mieux reconnus, les métiers du greffe doivent être mieux définis. C’est l’intérêt de tous.

C’est dans ces conditions, que d’ores-et-déjà, deux groupes de travail ont rendu récemment leurs conclusions.

Le premier avait pour mission de faire des propositions destinées à accompagner les adaptations nécessaires du métier de greffier en chef, chef de greffe. Les principales propositions qui ont été émises concernent notamment l’évolution du contenu des attributions du greffier en chef, chef de greffe, son positionnement, sa responsabilité à l’égard de la cellule budgétaire.

Les emplois des greffiers en chef, chef de greffe, des juridictions les plus importantes, seront repyramidés en emplois fonctionnels lorsqu’ils ne le sont pas déjà. Par ailleurs les chefs de greffe pourront porter le titre de «Directeur de Greffe».

Le second groupe avait la tâche de conduire une réflexion sur la nécessité de donner une existence juridique au service administratif régional de la cour d’appel concernant son organisation. Il deviendra ainsi un service autonome, sous l’autorité des chefs de cour.

Le chef du service administratif régional (SAR) s’appellera désormais « Directeur Délégué à l’Administration Judiciaire ».

L’emploi de chef de SAR fera l’objet d’un repyramidage afin de donner des perspectives de carrière concrètes à ceux qui l’occupent. Dès 2006, la très grande majorité des postes de coordonnateurs seront reclassés en emplois fonctionnels pour ceux d’entre eux qui ne le sont pas déjà. La plupart de leurs collaborateurs pourront accéder directement au premier grade et pourront ainsi poursuivre leur carrière à l’intérieur du SAR.

Mesdames, Messieurs, votre métier change, tout comme évoluent les attentes des Français. Sachez que je suis prêt à vous accompagner dans la tâche qui est la vôtre.

L’EVOLUTION PERMANENTE DE LA FORMATION

Ces évolutions exigent une formation qui soit adaptée, rôle que remplit à la satisfaction de tous l’Ecole
Nationale des Greffes.

Dès sa création en 1974 en tant que service extérieur de la direction des services judiciaires, l’Ecole a été chargée de mettre en œuvre la politique de formation des personnels des services judiciaires.

Un toilettage des textes fixant l’organisation de l’Ecole a été réalisée en 1999 afin de la doter officiellement d’instance de concertation.

Une seconde étape a été franchie avec l’arrêté du 5 mars 2001 qui érige l’Ecole Nationale des Greffes en service à compétence nationale. Parallèlement, le règlement intérieur et ses instances de concertation ont été modifiés.

Cette réforme a été l’occasion d’instituer un Conseil Pédagogique chargé de donner son avis sur la définition des objectifs pédagogiques et sur l’évaluation des systèmes de formation mis en place. Cette instance est ouverte aux représentants des promotions de greffiers en chef et de greffiers.

Depuis 2001 l’Ecole Nationale des Greffes assure également la formation initiale des personnels de bureau (agents et adjoints administratifs).

L’ouverture de l’Ecole aux fonctionnaires de catégorie C dans le cadre de la formation initiale me paraît particulièrement importante car la scolarité initiale de nos personnels constitue un véritable identifiant : la participation de tous illustre l’unité de l’institution judiciaire.

A travers ses 30 ans d’activité, le nombre de stagiaires accueillis à Dijon n’a cessé de progresser de façon très significative, au point d’avoir été multiplié par 10 ! Les 119 stagiaires pionniers de l’année 1988 se sont vus rejoints par tant d’autres. En 2004, 1122 stagiaires ont été accueillis à l’ENG.

Conscient de ce succès, le ministère de la Justice a choisi de renforcer la capacité d’accueil de l’ENG. Cela se traduit concrètement par :

  • La construction d’une extension de 11 400 m2 consacrés à la formation, à l’hébergement et aussi à l’administration et restauration des stagiaires. Elle sera livrée en octobre 2007.
  • Dans une 2ème phase la moitié de l’école sera restructurée d’ici fin 2008.
  • Cet effort représente un investissement de 36 millions d’euros, ce qui équivaut à la construction d’un palais de justice.

Vous voyez l’ampleur de la confiance du ministère en son école.
Parallèlement le niveau d’activité de la formation continue s’est accru. Le nombre de sessions a été multiplié par trois et le nombre de participants a presque doublé.

L’augmentation de l’activité de formation a nécessité un accompagnement en moyens financiers et humains.

Ainsi l’effectif de l’Ecole nationale des greffes est passé de 84 personnes en 1994 à 117 en 2005, tandis que les dépenses de fonctionnement sont passées de 2,98 millions d’euros en 1994 à 7.28 millions d’euros en 2004.

Les nouveaux dispositifs de formation des greffiers en chef et des greffiers constituent l’aboutissement de la réforme des statuts particuliers de ces deux corps intervenue en 2003. Ils en sont d’ailleurs un élément majeur. La formation initiale des greffiers en chef et des greffiers, initialement d’une durée de 12 mois, a été portée à 18 mois à compter du 1er janvier 2004.

Le contenu de la formation a été repensé et mis en cohérence avec le référentiel des métiers. Il permet d’assurer une première prise de poste sécurisée et opérationnelle. Dans la même optique, la formation continue est devenue obligatoire dans les cinq premières années de la prise de fonction.

Je souhaite également évoquer un point auquel j’attache beaucoup d’importance : l’accompagnement par la formation des mobilités fonctionnelles.

Lors de leur affectation sur des postes à profil (chef de greffe, coordonnateur, gestionnaires dans les SAR, secrétaires généraux des CDAD), les greffiers en chef sont conviés par l’ENG à une session d’adaptation à l’emploi.

Je sais que certains rejoignent directement leur poste sans bénéficier de ces sessions ou de ces tutorats. Ils ne bénéficient pas alors des liens précieux avec des collègues expérimentés. Ils ne peuvent acquérir aussi rapidement les habitudes de management adaptées à la technicité que requiert ce type de poste.

C’est pourquoi, je souhaite que le caractère obligatoire des formations d’adaptation à l’emploi soit réaffirmé et systématiquement mis en œuvre avant la prise de fonction.

Enfin, au titre des évolutions marquantes sur ces 30 années de fonctionnement, il m’apparaît indispensable de mentionner l’activité du service des relations internationales.

De création récente (octobre 2002), ce service est dirigé par un greffier en chef assisté d’un greffier. Il est directement rattaché au directeur de l’Ecole.

Ce service emporte la reconnaissance et la pérennisation des nombreuses actions de coopération qui étaient déjà conduites depuis plusieurs années.

Dotée depuis maintenant 30 ans d’une école nationale des greffes, l’institution judiciaire française dispose à cet égard d’une réelle avance. Si la plupart des pays assurent une formation à leurs magistrats, rares sont ceux qui offrent un dispositif de formation pour les personnels des greffes.

De nombreux pays ont sollicité la collaboration de l’Ecole Nationale des Greffes, démontrant ainsi la pertinence de cet outil.

A ce stade du développement du service des relations internationales, il est utile de renforcer les échanges entre les personnes qui accomplissent des missions dans le secteur international. La mise en place d’une formation spécifique à l’attention des experts français sera de nature à mutualiser les expériences, les supports pédagogiques et à créer une synergie durable.

De manière générale, l’Ecole Nationale des Greffes doit s’emparer des thèmes qui assureront pour l’avenir la parfaite efficience de la formation.

Je tiens à saluer la mobilisation de tous les acteurs de la formation. A travers cette visite de l’Ecole, j’ai pu mesurer l’esprit d’unité, de décloisonnement et d’inter-disciplinarité qui les anime.

A cet égard, les formateurs ont une lourde tâche. Ils doivent programmer des actions de formation adaptées à la fois aux besoins des juridictions et des personnels.

L’efficience de la formation passe notamment par la mise en œuvre d’une formation décloisonnée. L’offre de formation doit de moins en moins être ciblée par catégorie de fonctionnaire. Elle doit être orientée sur des objectifs, définis dans le cadre d’une politique globale de formation.

La connaissance du métier de l’autre et le partage du savoir-faire contribue directement à la modernisation du service public de la justice.

*

*   *

La réforme de l’Etat n’a pas de vocation propre. Son unique objectif est d’améliorer la qualité du service rendu aux justiciables. La demande est forte : on attend de la Justice qu’elle soit tout à la fois indépendante, impartiale, rapide, claire et de grande qualité.

La modernisation des services judiciaires repose avant tout sur l’action des femmes et des hommes qui la mettent en œuvre au sein des juridictions.

Je sais pouvoir compter sur vous pour leur apporter tout votre appui.

A 30 ans, l’Ecole est toujours jeune, mais est déjà forte d’une riche expérience. Elle a toujours su s’adapter et j’ai foi en elle : l’Ecole nationale des greffes a un bel avenir.

Je vous remercie de votre attention.